Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/337

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m’invitât en pareil cas. Quant à Rupert, je fus charmé qu’il n’eût pu venir, et je crois que Lucie n’en fut pas fâchée de son côté.

M. Hardinge nous précéda à l’église, qui n’était qu’à deux pas du presbytère, et quelques instants après, nous étions au pied de l’autel. La cérémonie commença aussitôt, et je ne tardai pas à pouvoir serrer Lucie dans mes bras comme ma femme. Ce fut dans la sacristie que se passa cette dernière formalité, qui n’était pas la moins agréable, et j’y reçus les félicitations des êtres simples, qui formaient alors une partie si essentielle de presque toute famille américaine

— Beaucoup de joie et toute sorte de bonheur à bon maître, dit la vieille Vénus en voulant baiser mes mains ; mais je ne voulus pas le souffrir, et je l’embrassai sur les deux joues, comme c’était ma coutume il y avait une vingtaine d’années. Ah ! quel beau jour pour vieux maître et vieille maîtresse, s’ils étaient ici seulement ! Et l’autre sainte dans le ciel dont moi pas parler ! Bon jeune maître ! nous si contents vous être ici ! et vous, jeune maîtresse ! vous bien chère aussi à nous tous !

Lucie mit sa petite main veloutée, avec l’anneau de mariage au quatrième doigt, dans la grosse et rude main de Vénus, en lui adressant quelques-unes de ces douces paroles qui partent du cœur ; puis elle dit à tous ceux qui l’entouraient qu’elle était pour eux une ancienne amie, qu’elle connaissait leurs bonnes qualités, et qu’elle les remerciait des vœux qu’ils formaient pour son bonheur.

Dès que cette partie de la cérémonie fut terminée, nous retournâmes au presbytère. Lucie quitta sa robe de noce pour faire une des demi-toilettes les plus jolies que j’aie jamais vues. Qu’on pardonne ces détails à un vieillard qui éprouve une joie si douce à se retracer ces moments de bonheur et d’ivresse ! C’est qu’aussi on a rarement l’occasion de peindre une fiancée telle que Lucie Hardinge. De sa parure du matin elle n’avait gardé que son collier de perles, qu’elle conserva pendant tout le reste de la journée. Dès qu’elle fut prête, je montai en voiture avec elle, M. Hardinge et Moïse, et nous nous dirigeâmes vers Clawhonny.

Un des plus beaux moments de ma vie fut celui où je reçus dans mes bras Lucie qui descendait de voiture, et où je saluai sa bienvenue dans la demeure de mes pères !

— Nous avions bien manqué de nous la voir ravir, ma bien-aimée,