Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 23, 1845.djvu/55

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d’ici, ou quand je serai venu me retirer dans la latitude de la bonne chère vieille.

Une légère exclamation de Kitty, suivie d’un certain embarras qui se manifesta par de plus vives couleurs, indiqua que, dans ce moment, elle pensait à toute autre chose qu’à l’oncle Oloff. J’en demandai explication.

— Ce n’est qu’Horace, dit-elle, qui est là-bas à l’extrémité de son verger, et qui nous regarde. Il ne se doute guère avec qui je suis dans le cabriolet de grand-mère.

Cet Horace semblait singulièrement devoir contrarier les projets de Marbre de passer toutes ses soirées avec Kitty pour se distraire. Mais nous approchions de la maison, et bientôt nous l’eûmes perdu de vue. Pour rendre justice à Kitty, elle ne parut plus songer qu’à sa grand-mère et à la vive émotion qu’elle avait dû éprouver. Quant à moi, je fus surpris de trouver M. Hardinge en conversation animée avec la vieille mistress Wetmore, assis l’un et l’autre devant la maison, pendant que Lucie se promenait à grands pas sur le tapis de verdure qui régnait le long des saules, avec un air d’impatience qui ne lui était pas ordinaire. Dès que Kitty eut mis pied à terre, elle courut à sa grand-mère ; Marbre la suivit, et moi je me hâtai de rejoindre Lucie. Elle me présenta la main avec une grâce et un abandon qui m’eût ravi dans tout autre moment ; mais elle avait en même temps un air d’inquiétude qui ne présageait rien de bon.

— Miles, voilà un siècle que vous nous avez quittés ! dit-elle ; je vous gronderais, si l’histoire de cette bonne dame ne m’avait vivement intéressée, et ne vous excusait suffisamment. Mais marchons un peu, j’ai besoin d’air et d’exercice. Mon cher père ne consentira pas à quitter cette heureuse famille, tant qu’il restera un rayon de jour.

J’offris mon bras à Lucie, et nous gravîmes ensemble la colline que je venais de descendre. Elle était évidemment agitée, et je n’osais l’interroger.

— Votre ami Marbre est bien heureux maintenant, ajouta-t-elle ; il retrouve une famille qui est digne de toute son affection.

— Oui, il est même un peu étourdi de son bonheur. La reconnaissance a été si brusque, qu’il n’a vraiment pas eu le temps de se reconnaître.

— C’est un grand bienfait que les affections de famille, reprit-elle