Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/115

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— J’aurais désiré, Woods, que vous choisissiez quelque autre sujet, fit observer le capitaine à son ami en traversant la pelouse pour aller dîner. Dans des temps comme ceux-ci, on ne saurait faire trop attention aux notions politiques qu’on laisse derrière soi ; et, pour vous avouer la vérité, je suis plus qu’à demi porté à croire que César exerce autant d’autorité dans ces colonies qu’il lui en est échu pour sa part.

— Pourtant, mon cher capitaine, vous avez entendu ce même sermon trois ou quatre fois déjà, et vous l’avez cité avec éloge.

— Oui, mais c’était en garnison, où l’on est obligé d’enseigner la subordination. Je me souviens de ce sermon comme étant tout à fait bien et très-bon il y a vingt ans, quand vous le prêchiez, mais…

— Je crois, capitaine Willoughby, que tempora mutantur et nos mutamur in illis ; que les préceptes et les maximes du Sauveur sont au-dessus des changements et des passions errantes des mortels. Ses paroles s’appliquent à tous les temps.

— Certainement, en ce qui regarde les principes généraux et les vérités établies, mais un texte ne doit pas être interprété sans quelque soumission aux circonstances. Je veux dire qu’un sermon très-convenable pour le 40e bataillon des troupes de Sa Majesté, peut ne pas l’être pour les travailleurs de la Hutte, surtout après ce que l’on appelle la bataille de Lexington.

Le dîner termina la conversation et prévint probablement une longue, vive, mais toujours amicale discussion.

L’après-midi, le capitaine Willoughby et son fils eurent un entretien secret et confidentiel. Le premier conseilla au major de rejoindre son régiment sans délai, à moins qu’il ne fût disposé à abandonner sa commission et à se réunir aux colonies. Le jeune soldat ne voulut rien entendre, il retourna à la charge, dans l’espoir de rallumer la flamme assoupie du loyalisme de son père.

Le lecteur ne suppose pas que le capitaine Willoughby fût absolument décidé à se mettre en rébellion ouverte : loin de là. Il avait des doutes et des craintes relativement aux principes, mais il inclinait fortement à trouver équitables les demandes des Américains.

L’indépendance ou la séparation, en 1775, entrait dans les projets d’un très-petit nombre. Les plus vifs désirs des plus ardents