Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 24, 1846.djvu/269

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même croient que c’est un opprobre de souffrir qu’un cadavre reste exposé aux coups de l’ennemi, et plus d’un guerrier a perdu la vie en voulant sauver de cette dégradation imaginaire le corps inanimé d’un camarade.

Un calme aussi profond que celui qui avait précédé l’alarme régna bientôt autour de la place. Aucun bruit ne venait de la direction du moulin ; on n’entendait ni cri, ni appel, ni signal de combat, tout était parfaitement tranquille. Une demi-heure se passa ainsi ; enfin un rayon de lumière qui parut à l’orient annonça l’approche du jour.

Les vingt minutes qui suivirent furent pleines d’anxiété. La lumière qui s’avançait graduellement, éclairant l’un après l’autre les objets du petit panorama, renouvelait les conjectures et les appréhensions. D’abord on aperçut les palissades, puis la chapelle, la lisière du bois, les différentes cabanes qui le bordaient, le bétail dans les champs et tous les arbres plantés çà et là. Pour Joyce, il tenait son regard fixé sur l’objet au pied de la fortification, attendant le moment où l’on tenterait d’aller le retirer.

Enfin le jour devint assez grand pour permettre à l’œil de voir toute la surface qui s’étendait devant la Hutte, ce qui apporta l’assurance, qu’aucun ennemi n’était près et qu’on n’avait pas à redouter un assaut immédiat.

— Nous échapperons encore à un assaut ce matin, je crois, Joyce, dit le capitaine ; je ne vois rien qui dénote une intention d’attaque.

— Pour plus de certitude, je vais regarder plus loin encore, Votre Honneur, répondit le sergent en montant au sommet du bâtiment, où il obtint l’avantage de mieux voir, au risque de s’exposer à recevoir quelque balle hostile.

À peine se trouva-t-il au haut du toit, que le bruit d’un coup de fusil retentit aux oreilles de la garnison ; alors suivit le sifflement de la balle que l’air apporta vers la Hutte. Mais le bruit venait d’assez loin pour annoncer que le fusil avait été déchargé de la lisière du bois, ce qui donnait une certaine évidence à deux faits importants : l’un, que l’ennemi était caché ; l’autre, que les mouvements de la maison étaient attentivement observés.

Rien ne fait un plus singulier effet sur un jeune soldat que le sifflement d’un coup de feu éloigné ; plus la balle s’approche lentement, plus elle fait de bruit ; et le son se continuant plus long-