Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/10

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

l’honneur de lire ce manuscrit ne trouveront pas qu’il a perdu à être porté par moi.

J’ai déjà dit que mon père et mon grand-père avaient, chacun à leur tour, siégé dans l’Assemblée ; l’un, deux fois ; l’autre, une fois seulement. Quoique notre habitation fût à si peu de distance du bourg de West-Chester, ce n’était pas ce bourg qu’ils représentaient, mais le comté, les de Lancey et les Morris entendant diriger les élections du bourg de manière à laisser peu de chances aux petits poissons qui auraient voulu se montrer à la surface de l’eau. Néanmoins cette élection politique mit mon père en relief, et lui donna une considération dont il n’eût peut-être pas joui sans cela. Y eut-il plus d’avantages que d’inconvénients pour nous à sortir ainsi de la routine habituelle de notre vie paisible, c’est ce que montrera la suite de cette histoire.

J’ai toujours regardé comme un bonheur pour moi de n’être pas né dans les premiers jours de la colonie, lorsque les intérêts en jeu et les événements qui leur donnaient l’impulsion n’étaient pas assez importants pour causer ces vives émotions, ces espérances saisissantes, qui sont le résultat d’une civilisation plus avancée. Sous ce rapport, mon apparition dans le monde eut lieu à l’époque la plus favorable. New-York, qui peut contenir aujourd’hui cent mille âmes, en comptait soixante-dix mille, en comprenant les deux couleurs. C’était un théâtre assez vaste pour qu’on pût trouver à y jouer son rôle ; tandis qu’à la naissance de mon père il y avait à rabattre au moins de moitié. Je sus apprécier cet avantage, et l’on verra, je crois, que je n’ai vécu ni dans un coin du globe ni dans un siècle où les grands événements aient complètement manqué.

Naturellement mes plus anciens souvenirs se rattachent à Satanstoé et au coin du feu de la famille. Dans mon enfance, j’entendis beaucoup parler de la succession protestante, de la maison de Hanovre, du roi George II ; le tout entremêlé des noms de George Clinton, du général Moukton, de sir Charles Hardy, de James de Lancey, et de sir Danvers-Osborne, ses représentants officiels dans la colonie. Chaque siècle à ses anciennes et ses dernières guerres ; et je me rappelle à merveille celle qui éclatas entre les Français du Canada et nous, en 1744. J’avais sept