Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/101

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cette partie du pays, mais elle résistait plus longtemps à l’action du dégel que celle qui était tombée plus près de la mer. Je reçus le dernier baiser des ma mère, la dernière poignée demain de mon père, la bénédiction de mon grand-père ; je montai dans le sleigh, je pris les rênes des mains de Dirck, et nous partîmes.

Il faudrait supposer des personnes d’une humeur bien sombre pour qu’un voyage fait en traîneau ne fût pas gai. Nous étions tous disposés à nous amuser, quoique Jason ne pût passer le long de la grande route sans que son esprit critique trouvait à s’exercer. Tout sentait la Hollande à ses yeux, ou bien la colonie d’York ; les portes n’étaient pas à leur place ; les fenêtres étaient trop grandes, quand elles n’étaient pas trop petites ; les habitants sentaient le tabac, etc. ; que sais-je ? Nous prîmes le parti de rire de ces saillies connecticutiennes. Jason s’évertua de plus belle, dans l’espoir de piquer Dirck ; mais Dirck, impassible, continua à fumer sa pipe sans sourciller et sans répondre un mot.

Nous n’étions encore qu’à quelques milles que déjà les signes de dégel augmentaient ; le vent du midi se faisait sentir, la neige sur la route devenait glissante, et des filets d’eau commençaient à scintiller sur le flanc des collines. Nous nous enfonçâmes de plus en plus dans l’intérieur en gravissant les hauteurs, et le soir nous étions arrivés sans encombre au manoir des Van Cortland. Le lendemain, le vent soufflait toujours dans la même direction ; c’était un avertissement de ne pas nous endormir. Cette seconde journée fut encore activement employée ; en sortant des montagnes, nous traversâmes les plaines de Dutchess, et nous arrivions avant la nuit à Fishkill. C’était un établissement en pleine prospérité ; les habitants vivaient dans l’abondance, et en même temps dans un calme profond ; simples et honnêtes, ils paraissaient s’inquiéter fort peu de ce qui se passait dans le monde.

En sortant de Fishkill nous trouvâmes un grand changement, non-seulement dans le pays, mais même dans la température : nous étions au milieu de plaines beaucoup mieux habitées que je ne l’avais cru possible à une si grande distance dans l’intérieur. Le froid était piquant, comme si nous avions rétrogradé d’un grand mois pendant la nuit ; la neige avait deux ou trois pouces d’épaisseur, et le sleigh roulait avec une grande facilité.