Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/102

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Dans l’après-midi nous rejoignîmes Jaap et la brigade des traîneaux de transport ; aucun accident n’était arrivé ; et, les laissant en arrière, nous poursuivîmes notre route. Depuis Fishkill, nous avions vu de temps en temps la rivière ; elle était prise, et des traîneaux la sillonnaient en tous sens ; néanmoins nous préférâmes suivre toujours la grande route, c’était plus sûr.

Enfin, le lendemain nous arrivions à une hôtellerie hollandaise qui n’était qu’à quelque distance d’Albany. Au moment d’entrer dans la seconde ville de la colonie, il fallait reprendre haleine et jeter un coup d’œil sur sa toilette. Dirck, Jason et moi, nous avions pris pour le voyage des bonnets de fourrure, Dirck et moi en peau de martre, et Jason, plus modeste, en peau de renard ; une houppe élégante retombait par derrière. Cette coiffure allait admirablement à la noble et belle figure de Dirck, et, si j’en devais croire ma mère, qui était toujours prête à admirer son cher fils, elle ne m’allait pas non plus trop mal. Quant à M. Worden, il avait cru devoir conserver son chapeau ordinaire, par respect pour son état.

Nous avions tous des redingotes doublées de fourrures, et après une sérieuse consultation je décidai, ainsi que Dirck, qu’il était de meilleur genre de faire notre entrée dans la ville en costume de voyageurs que de changer de toilette. Jason ne fut pas du même avis ; il crut qu’en pareil cas on devait mettre ce qu’on avait de plus beau, et je fus tout surpris de le voir paraître au déjeuner en culotte noire, avec des bas de laine chinés, de grandes boucles d’argent à ses souliers, et un habit que je savais qu’il gardait religieusement pour les jours de fête ; cet habit était couleur vert-pomme, et n’était guère en rapport avec la saison ; mais Jason n’était pas très-fort sur les usages, surtout en matière de goût. Heureusement le temps était assez doux ; et quelques rayons d’un soleil bienfaisant, dirigés sur l’habit vert-pomme, empêchèrent le sang de Jason de se glacer complètement dans ses veines. Quant à M. Worden, il n’avait gardé de toutes ses fourrures qu’un manchon et une cravate, et il portait un manteau de drap noir.

Ainsi costumés, nous nous dirigeâmes vers le bord de la rivière, et bientôt les clochers et les toits de l’ancienne cité d’Albany se