Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/113

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calme et angélique qui m’avait souvent frappé. Partout ailleurs qu’auprès de son amie, elle n’eût pu manquer de fixer l’attention du plus indifférent.

Ainsi donc Guert Ten Eyck admirait, aimait peut-être Mary Wallace ! nouvelle preuve, s’il en était besoin, de notre penchant à aimer nos contrastes. Il était impossible de voir deux personnes d’un caractère plus opposé que Mary Wallace et Guert Ten Eyck.

— Miss Wallace est charmante en effet, répondis-je dès que je fus revenu de ma surprise ; et je ne suis pas étonné de vous entendre parler d’elle avec tant d’admiration !

Guert s’arrêta tout court au milieu de la rue, me regarda en face avec une expression de sincérité qui ne pouvait être feinte, me prit la main, et me dit d’un ton pénétré :

— De l’admiration, monsieur Littlepagel ce n’est pas un mot assez énergique pour exprimer ce que je ressens pour Mary. Je voudrais l’épouser dans une heure, et la chérir tout le reste de ma vie. Je l’adore, et je baiserais l’empreinte de ses pas !

— Et vous le lui avez dit, monsieur Ten Eyck ?

— À satiété, mon cher monsieur. Voilà deux mois qu’elle est à Albany, et mon cœur lui appartenait dès la première semaine. Je le lui ai offert sur-le-champ, et je crains même de m’être trop pressé ; Mary est une jeune personne sensée et prudente, et les personnes de ce caractère sont portées à se méfier des jeunes gens qui se déclarent trop vite. Elles aiment à être servies pendant sept ans, et sept ans encore, comme Joseph servit pour mériter Putiphar.

— Vous voulez dire, comme Jacob servit pour mériter Rachel.

— Jacob, Joseph, peu importe ; quoique dans nos bibles hollandaises, je pense que c’est de Joseph qu’il est question. En tout cas, vous savez ce que je veux dire, monsieur Littlepage. Si vous voulez voir ces dames, venez avec moi. Je vous conduirai à un endroit où le sleigh d’Herman Mordaunt ne manque jamais de passer à cette heure. J’en sais quelque chose, attendu que je suis toujours là pour saluer ces dames.

Je commençai à comprendre pourquoi Guert était continuellement dans la rue. Au surplus, il nous tint parole, et il nous posta près de l’église hollandaise, devant laquelle j’eus bientôt le