Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/126

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mée au-dessus de la porte. C’était donc une sorte de taverne ou d’auberge, et alors la chose devenait plus facile à comprendre. Les maraudeurs y avaient sans doute établi leur domicile pour manger notre souper tout à leur aise.

Une minute ne s’était pas écoulée que notre nègre revint avec un jeune noir qu’il avait su éloigner de son poste par une ruse à lui, et il était suivi de Dorothée. Dorothée se confondit en révérences dès qu’elle aperçut le chapeau à larges bords et le manteau noir du révérend, et elle lui demanda ce qu’elle pouvait faire pour son service. M. Worden se mit alors à lui faire un long et grave sermon sur le péché du vol, et il la tint ainsi tout ébahie pendant trois grandes minutes. En vain la pauvre cuisinière protestait qu’elle n’avait rien pris ; que ce qui appartenait à son maître était sacré pour elle ; que jamais elle ne se permettait de donner même les restes de viandes froides sans un ordre formel, et qu’elle ne pouvait imaginer pourquoi on lui parlait ainsi. Il faut être juste : M. Worden s’acquitta de son rôle dans la perfection, et son habit le secondait à merveille. Enfin un coup de sifflet parti de l’allée donna le signal du succès, et M. Worden, après avoir solennellement souhaité le bonsoir à Dorothée, s’éloigna avec toute la dignité de sa profession. Une minute après, nous étions rentrés ; Guert accourut nous serrer la main, nous remercier de notre utile coopération, et nous inviter à nous mettre à table. Il paraît qu’au moment de notre arrivée, Dorothée venait justement de finir de dresser tous les plats, et qu’elle les avait rangés devant le feu, tout prêts à servir dès que neuf heures sonneraient. Ainsi préparé, le souper n’attendait plus qu’une table pour le recevoir ; et c’était la nôtre qui devait lui servir d’asile, au lieu de celle de nos voisins.

Malgré la rapidité avec laquelle ce changement s’était opéré, l’ordre et la symétrie du service ne laissèrent rien à désirer : le gibier était cuit à point ; chacun se mit à l’œuvre avec un appétit aiguisé par la campagne qu’on venait de faire, et pendant quelques minutes on n’entendit guère que le bruit des couteaux et des fourchettes ; puis vinrent les santés, et, pour finir, les toasts, les chansons et les histoires.

Guert chanta plusieurs airs avec des paroles anglaises ou hol-