Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/130

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ou il n’y sera jamais, car, avec lui, c’est à recommencer toutes les semaines.

Voilà qui était encourageant ! Guert était si bien connu pour ses tours et pour ses folies, que rien n’étonnait de sa part. Qu’allions-nous devenir ? Certes, je ne craignais pas qu’on nous jetât en prison et qu’on nous traduisît solennellement en justice comme voleurs ; je savais jusqu’où les Hollandais portaient les plaisanteries de ce genre, et quelle indulgence les anciens montraient pour la jeunesse. Et puis, dans un tour semblable, c’est beaucoup d’avoir réussi, de s’être tiré adroitement d’affaire et d’avoir mis les rieurs de son côté ; néanmoins ce n’était pas une petite chose d’avoir empêché un maire de souper, d’autant plus que messieurs les maires ont presque tous commencé par être aldermen, et qu’il n’y a rien de plus gourmand qu’un alderman. Malgré tout son aplomb apparent, Guert était préoccupé, comme le prouva une demande qu’il adressa au constable, au moment où nous étions à la porte de M. Cuyler, sous la terrible lampe officielle :

— Comment va notre respectable maire, ce soir, Hans ? J’espère qu’il a trouvé moyen de souper, lui et ses convives ?

— Je ne vous dirai pas, monsieur Guert ; mais il avait l’air terriblement refrogné. Tenez ; comme le jour où il a fait arrêter les voleurs de chevaux de la Nouvelle-Angleterre. C’était trop fort aussi, monsieur Guert, de lui prendre son propre souper. Si vous étiez venu à moi, j’aurais pu vous dire qui avait votre gibier et vos canards.

— J’aurais mieux fait, Hans, assurément ; mais que voulez-vous ? nous étions si pressés ! Nous avions un étranger, un révérend à souper ; nous ne pouvions pas non plus les laisser mourir de faim.

— Allons, allons, nous sommes tous jeunes tant que nous n’avons pas assez vécu pour être vieux. Mais entrons.

M. le maire avait donné l’ordre qu’on nous fît tous entrer dans le salon, sans doute, à en juger d’après ce qui se passa ensuite, pour infliger à Guert, comme premier châtiment, de comparaître devant une certaine personne. En tout cas, le lecteur peut juger de l’horreur que j’éprouvai en voyant que la société que j’avais