Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/140

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douce familiarité, elle voulait me prouver à quel point elle avait oublié sa rancune, si vous croyez avoir besoin de pardon, adressez-vous à qui a le droit de pardonner. Mais s’il prend fantaisie à Corny Littlepage d’imiter les petits garçons dans leurs jeux, quel droit Anneke Mordaunt a-t-elle de l’en empêcher ?

— Tous les droits du monde ! le droit de l’amitié, — le droit d’un esprit supérieur, le droit que ma…

— Chut ! j’entends marcher dans le corridor. C’est le pas de M. Bulstrode. Il est inutile qu’il entende cette longue énumération de mes droits. Cependant, comme il lui faut quelque temps pour se débarrasser de son manteau, de ses fourrures et de son épée, je me hâterai de vous dire que Guert Ten Eyck est un maître de cérémonies dangereux pour Corny Littlepage.

— Et cependant n’est-ce pas à l’éloge de son cœur, de son goût et de son esprit, qu’il aime Mary Wallace ?

— Ah ! il vous l’a déjà dit ! Mais j’ai tort de m’en étonner ; car à qui ne le dit-il pas ?

— Même à miss Wallace, et en cela je l’approuve. L’homme qui aime véritablement ne doit pas laisser longtemps l’objet de son affection dans le doute sur ses sentiments et sur ses intentions. Il m’a toujours semblé, miss Mordaunt, qu’il y a quelque chose de bas et de lâche à vouloir être certain qu’une femme réponde à notre amour avant de lui faire part de nos vœux. Comment saurait-elle si elle peut sans danger écouter son cœur, sans cette franchise de la part de son amant ? Je suis bien sûr que c’est avec cette franchise et cette loyauté que Guert Ten Eyck s’est conduit à l’égard de Mary Wallace.

— C’est un mérite qu’on ne saurait lui contester, répondit Anneke à voix basse et d’un air pensif ; il s’est déclaré mainte fois, et ma présence même n’a pas été un obstacle ; car je l’ai entendu, à trois reprises différentes, prier Mary de lui permettre de se mettre sur les rangs pour obtenir sa main, mais la conjurer d’attendre pour lui répondre qu’il eût eu le temps de conquérir son estime.

— Vous conviendrez, miss Mordaunt, que cette conduite est celle d’un homme d’honneur ?

— Sans doute, monsieur Littlepage, puisque du moins miss