Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/154

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Avez-vous encore vos beaux chevaux noirs, Guert ? demanda madame Schuyler qui savait toujours parler à chacun du sujet qui pouvait lui être le plus agréable. — Vous savez, ceux que vous avez achetés l’automne dernier ?

— N’en doutez pas, chère tante, — c’était le nom que donnaient à l’excellente dame tous les jeunes gens qui avaient quelques relations plus ou moins éloignées avec elle ; n’en doutez pas ; car je ne sais pas où l’on trouverait leurs pareils. Ces messieurs de l’armée prétendent qu’un cheval ne saurait être bon s’il n’est pas pur sang : je ne sais ce qu’ils veulent dire ; mais Jack et Moïse sont tous deux de race hollandaise ; et les Schuyler et les Ten Eyck ne conviendront jamais que le sang ne soit pas pur dans cette race. J’ai donné à chacun de ces animaux mon propre nom, et je les appelle Jack Ten Eyck et Moïse Ten Eyck.

— Vous auriez pu dire aussi les Littlepage et les Mordaunt, monsieur Ten Eyck, dit Anneke en riant, car ils ont aussi du sang hollandais dans les veines.

— Il est vrai, miss Anneke ; et miss Wallace est ici la seule véritable Anglaise. Mais, puisque la tante Schuyler a parlé de mes chevaux, je voudrais vous prier de me permettre de vous reconduire ce soir à Albany avec miss Mary. Votre sleigh pourrait suivre, et comme les chevaux de votre père sont anglais, nous aurions une occasion de comparer les deux races. Les anglo-saxons n’auront à traîner qu’un sleigh vide, et cependant je parierais, cheval contre cheval, que mes bons flamands garderont la tête et arriveront les premiers.

Anneke n’accepta pas cette proposition ; sa délicatesse naturelle lui faisait sentir que la réputation de Guert n’était pas assez solidement établie pour que deux jeunes filles pussent accepter le soir une place dans son sleigh, où ne se trouvaient pas toujours des dames de la première distinction. Mais il fit tant d’instances pour qu’au moins on voulût bien juger un jour de la bonté et de l’ardeur de ses chevaux, et je me joignis à lui avec tant de zèle, que Mary Wallace finit par promettre que la chose serait soumise à l’arbitrage d’Herman Mordaunt, et que, s’il l’approuvait, l’excursion tant désirée aurait lieu la semaine suivante.