Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/164

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dévoraient l’espace en animaux intelligents qui sentent que l’écurie est au bout du voyage ; et Herman Mordaunt nous suivait de si près que, malgré le bruit assourdissant de notre musique, nous pouvions distinguer le son de ses clochettes. Une heure s’écoula rapidement, et nous avions déjà passé Coejeman. Nous commencions à découvrir dans le lointain un hameau qui s’étendait le long de la grève, et qui dominait le bord escarpé de la rivière. On l’appelait la Ville des Singes, Monkey-Town ; et il est remarquable en ce que ce sont les premières maisons qu’on rencontre sur les bords de l’Hudson en sortant d’Albany. Il a sans doute légalement un autre nom ; mais je répète celui que Guert lui donna devant moi.

J’ai dit que la nuit était faiblement éclairée par la pâle lueur de la lune, qui parcourait le ciel au milieu d’un océan de vapeurs. Nous voyions assez bien les deux rives, ainsi que les maisons et les arbres immédiats ; mais il était difficile de distinguer les objets plus petits. Dans le cours de la journée, nous nous étions croisés avec plus de vingt traîneaux ; mais à cette heure-là tout le monde semblait avoir déserté la rivière. Il commençait à se faire tard pour les habitudes simples de ceux qui en habitaient les bords. Quand nous étions à moitié chemin entre les îles situées en face de Goejeman et le hameau que je viens de nommer, Guert, qui se tenait debout pour conduire, nous dit qu’il voyait venir quelqu’un qui était sans doute attardé comme nous. Ses chevaux étaient lances au grand trot, et le sleigh se dirigeait évidemment vers la rive occidentale, comme si ceux qu’il contenait comptaient mettre pied à terre à peu de distance. En passant rapidement, un monsieur nous jeta quelques mots prononcés à voix haute, mais nos clochettes faisaient tant de bruit qu’il n’était pas facile de l’entendre. En même temps il parlait en hollandais, et il n’y avait personne parmi nous, Guert excepté, dont l’oreille fût assez exercée pour saisir quelques mots dits ainsi à la volée. Cet appel passa donc inaperçu, d’autant plus que c’était assez l’usage des Hollandais, lorsqu’ils se croisaient en chemin, de s’appeler ainsi les uns les autres. Je pensais à cet usage, et aux différences que j’avais déjà remarquées entre les habitudes des habitants de cette partie de la colonie et les nôtres,