Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/173

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est facile de le remonter depuis la mer. Des rivières tributaires, la principale est le Mohawk qui, m’a-t-on dit, — car je n’ai jamais visité ces points éloignés de la colonie, — coule longtemps dans la direction de l’ouest, au milieu des plaines fertiles qui sont bornées au nord et au sud par des collines escarpées. Or, au printemps, quand ces vastes amas de neige, amoncelés dans les forêts et parmi les montagnes et les vallées de l’intérieur, sont fondus par les pluies et les vents du midi, il se forme nécessairement des étangs, qui font beaucoup de mal. Les plaines du Mohawk sont inondées tous les ans ; sans doute ces inondations seraient un bienfait, si le plus souvent elles n’entraînaient pas d’affreux désastres : ainsi des maisons sont renversées, des ponts sont détruits, et les débris passent sous les quais d’Albany, se dirigeant vers l’océan. Alors les marées ne produisent pas de contre-courants, car il n’est pas rare, dans les premiers mois du printemps, que la rivière se précipite pendant des semaines vers la mer, sans aucun mélange, et que l’eau reste douce même à New-York.

Tel était le caractère général du fléau qui venait d’éclater si subitement. L’hiver avait été rigoureux ; il était tombé une immense quantité de neige ; le dégel avait produit son effet ordinaire, et de tous les points élevés les eaux se précipitaient sur nous avec leur force irrésistible. C’est le long du bord que la glace commence à s’amollir, puis elle se fend sur certains points, et les glaçons, en s’accumulant les uns sur les autres, forment des espèces de digues contre lesquelles les eaux viennent se briser, et d’où elles se répandent comme un déluge sur toutes les basses terres environnantes.

Nous ne le savions pas alors ; mais au moment même où Guert pressait ses chevaux à coups redoublés et les excitait à des efforts surnaturels, l’Hudson, des deux côtés de la ville, dans une étendue assez considérable, avait repris son cours ordinaire. De gros glaçons continuaient à descendre vers l’Overslaugh, où, retenus par la digue qui s’y était formée, ils s’amoncelaient en montagnes ; mais toute cette plaine solide sur laquelle nous avions passé le matin même, avait disparu.

Les clochettes du sleigh d’Herman Mordaunt, que nous enten-