Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/182

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d’alarme nous appela dans une autre direction. Mary Wallace sortit de derrière un arbre où elle avait cherché un abri, et, saisissant le bras de Guert, elle le supplia de ne plus la quitter.

— Et Anneke ? où est Anneke ? m’écriai-je dans une angoisse inexprimable ; je ne vois point Anneke !

— Elle n’a point voulu quitter le sleigh, répondit Mary Wallace, pouvant à peine reprendre haleine. Je l’ai priée, je l’ai conjurée de me suivre ; je lui répétais que vous ne pouviez tarder à revenir. Elle n’a voulu rien écouter ; elle s’est obstinée à rester à la même place.

Je n’avais pas besoin d’en entendre davantage ; je m’élançai sur la montagne mobile, et sautant de glaçon en glaçon, je finis par découvrir le sleigh qui descendait lentement la rivière, poussé par cette nouvelle couche de glace qui recouvrait la surface primitive. D’abord je n’aperçus personne dans le traîneau ; mais, arrivé tout près, je trouvai Anneke blottie dans les peaux. Elle était à genoux, implorant le secours de Dieu.

J’éprouvai une sorte de satisfaction farouche, qui n’était pas sans charme, de me trouver ainsi, séparé du reste des humains, au milieu de cette scène de désolation, seul avec Anneke Mordaunt. Dès qu’elle revint à elle, et qu’elle comprit que j’étais là, elle s’informa de ce qu’était devenue Mary Wallace, et elle se trouva soulagée en apprenant que son amie était avec Guert, et qu’il ne la quitterait plus de la nuit. J’aperçus même leurs formes qui se dessinaient à travers le brouillard, pendant qu’ils franchissaient légèrement le canal qui séparait les deux îles, et ils disparurent dans cette direction au milieu des roseaux qui couvraient les bords.

— Suivons-les, dis-je vivement ; le passage est encore facile, et nous pourrons aussi gagner la rive.

— Allez, vous ! dit Anneke, qui semblait tombée dans un anéantissement complet ; allez, Corny ; un homme peut se sauver aisément ; et vous êtes fils unique, le seul espoir de vos parents.

— Anneke, ma bien-aimée ! pouvez-vous croire un moment que je partirai seul ? Pourquoi ce profond découragement, cette indifférence pour vous-même ? N’êtes-vous pas aussi la seule espérance de votre pauvre père ? Est-ce que vous l’avez oublié ?