Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/217

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soit l’inspiration de l’esprit malin, ou même de toute une légion de démons, qui ait pu suggérer à cette folle d’appeler un cheval Moïse ? Jack, passe encore ; mais Moïse ! Aller s’imaginer qu’un cheval porte le nom du grand législateur des Hébreux ! Pourquoi ne pas supposer tout aussi bien qu’il s’appelle Confucius ?

— Je suppose que l’inspiration, pour me servir de votre expression, monsieur, révèle à une habille devineresse les choses telles qu’elles sont ; et qu’alors elle appelle les chevaux de leur nom véritable, quel qu’il soit.

— Oui, une belle inspirée vraiment, que cette vieille édentée ! Une impudente, une effrontée coquine, voilà tout ! Ne venez pas me parler, Corny, de tous vos diseurs de bonne aventure. — Ce sont des imposteurs fieffés. — Les gambades du révérend, en vérité !

Telle était l’opinion du révérend M. Worden relativement aux révélations de la mère Dorothée. Il nous fit promettre de ne rien dire de ce qui le concernait, et nous en prîmes volontiers l’engagement. Mais entre nous, Guert, Dirck, Jason et moi, nous ramenions toujours la conversation sur les circonstances de notre visite, et nous l’envisagions tous sous un autre point de vue que notre mentor. Jason était enchanté des prédictions qui lui avaient été faites ; et comment n’aurait-il pas été content ? On lui avait annoncé la fortune, et c’est une visite qu’on est toujours flatté de recevoir, quel que soit l’introducteur. Dirck avait pris aussi la chose au sérieux. À peine avait-il vingt ans, et il parlait déjà de mourir garçon ; toutes mes plaisanteries ne pouvaient le dérider ni l’amener à changer de résolution. Guert, ainsi que je l’ai déjà dit, était plus affecté encore ; et n’étant pas obligé à la discrétion pour son propre compte, il parla de sa visite à la sorcière un matin que nous étions réunis chez Herman Mordaunt. Bulstrode était présent ; et nous causions avec cette liberté que la fréquence de nos relations avait établie entre nous.

— Est-ce qu’en Angleterre on connaît les diseurs de bonne aventure, monsieur Bulstrode ? demanda brusquement Guert, les yeux fixés sur Mary Wallace ; car c’était à elle qu’il songeait en adressant cette question.

— Qu’est-ce qu’on ne connaît pas dans la vieille Angleterre,