Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/241

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ans, moyennant un rendage purement illusoire, rendage dont le paiement ne devait commencer qu’au bout de six à huit ans. C’était lui, au contraire, qui était obligé de venir continuellement au secours des colons, et de leur fournir toutes sortes de facilités ; ainsi son agent tenait une petite boutique où étaient rassemblés les divers objets qui pouvaient leur être nécessaires, et il les leur vendait presque au prix coûtant, recevant en paiement les produits de leurs champs à demi cultivés, produits qu’il ne pouvait lui-même échanger contre de l’argent qu’après les avoir transportés à Albany, ce qui demandait un temps considérable. En un mot, les commencements d’un établissement de ce genre étaient très-difficiles ; et, pour que la tentative fût suivie de succès, il fallait que le propriétaire eût tout à la fois des capitaux et de la patience.

Tout homme tant soit peu versé en économie politique peut facilement en trouver la raison ; les habitants étaient rares, et la terre surabondante ; de sorte que ce n’étaient pas les fermiers qui cherchaient un propriétaire, mais bien les propriétaires qui cherchaient des fermiers ; aussi ceux-ci faisaient-ils leurs conditions, qu’on était obligé d’accepter.

— Vous voyez, ajouta Herman Mordaunt quand il m’eut donné ces premières explications, que ce n’est ni à moi ni même probablement à ma fille que mes vingt mille acres de terre profiteront beaucoup. Dans un siècle peut-être nos descendants recueilleront le fruit de toutes les peines que je me donne ; mais ce ne sera jamais de mon vivant que me seront payés les intérêts ni même le capital des sommes que j’aurai dû avancer en routes, en ponts, en moulins, en communications de tout genre. Les faibles rentes que commenceront à payer dans un ou deux ans un très-petit nombre de colons suffiront à peine d’ici à longtemps pour couvrir les dépenses courantes et les frais de l’établissement, sans parler des redevances à payer à la couronne.

— Voilà qui n’est pas très-encourageant pour un débutant dans la carrière, répondis-je ; et, après ce que je viens d’entendre, j’avoue que j’ai peine à concevoir comment on fait tant de démarches et on donne tant d’argent pour obtenir des concessions de terres incultes.