Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/247

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dago. — Eh bien ! Sans-Traces, pouvez-vous nous aider à trouver l’arbre ?

Depuis que les Indiens s’étaient approchés, mon regard ne quittait pas Susquesus. Il était la debout, droit comme un pin, leste et agile de sa personne, n’ayant pour tout vêtement que sa culotte de toile, ses moccasins, et une chemise de calicot bleu, serrée autour de ses reins par une ceinture écarlate, dans laquelle était passée la poignée de son tomahawk, et à laquelle étaient attachées sa bourse de cuir et sa corne à poudre, tandis que sa carabine était posée contre son corps, la crosse en bas. Sans-Traces était singulièrement beau pour un Indien. Il n’avait presque aucun des défauts physiques de ceux de sa race, tandis que toutes leurs nobles et mâles qualités se retrouvaient à un degré éminent dans sa personne. Son nez était presque aquilin ; son œil, d’un noir de jais, était perçant et toujours aux aguets ; ses membres étaient ceux d’Apollon ; son front et sa prestance avaient toute la dignité impassible d’un guerrier, tempérée par une certaine grâce naturelle. La seule chose à laquelle on pût trouver à redire, c’était sa démarche. Comme tous les Indiens, il marchait les pieds en dedans et les genoux pliés ; mais, en revanche, ses mouvements étaient légers, souples, élastiques. En un mot, c’était le beau idéal d’un coureur.

Tant que l’arpenteur parla, les yeux de Susquesus semblaient se perdre dans l’espace ; et j’aurais défié l’observateur le plus attentif de découvrir dans la contenance de ce stoïcien de la forêt rien qui annonçât qu’il prenait la moindre part à ce qui se passait. Ce n’était pas à lui de parler lorsqu’un guerrier, un coureur plus ancien que lui, était présent ; et il attendait que ceux qui pouvaient en savoir plus que lui eussent dit ce qu’ils savaient, avant de prendre la parole. Cependant, se voyant interpellé directement, il bannit toute réserve, s’avança de deux ou trois pas, jeta sur la carte un regard de curiosité, et posa même un doigt sur la rivière, dont il suivit sur le plan les sinuosités avec une sorte d’intérêt enfantin. Susquesus se connaissait peu en cartes, c’était évident ; mais le résultat prouva qu’il connaissait du moins très-bien les bois, qui étaient comme son élément naturel.

— Eh bien ! que dites-vous de ma carte, Sans-Traces ? répéta