Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/258

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voyé à Ravensnest, quoique ce ne fût pas son tour ; mais au lieu de revenir le lendemain, comme ils n’y manquaient jamais l’un et l’autre, il se passa une quinzaine sans qu’il reparût. En cherchant à nous expliquer cette disparition subite et inattendue, nous en vînmes à la conclusion que, se voyant soupçonné, il avait déserté, et qu’on ne le reverrait plus.

Pendant son absence, nous rendîmes nous-mêmes une visite à Ravensnest ; les deux jeunes personnes étaient ravies de leur séjour dans cette demeure agreste et sauvage ; la vue des forêts leur inspirait un intérêt toujours croissant, et elles jouissaient de tout le bonheur que l’innocence et la santé réunies peuvent procurer. Herman Mordaunt, ayant fortifié sa maison de manière à se mettre à l’abri de toute surprise, revint avec nous à Mooseridge, et passa deux ou trois jours à parcourir notre propriété, à examiner la nature du sol et le parti qu’on pourrait tirer des divers cours d’eau. Pour M. Worden et Jason, le premier avait été rejoindre l’armée, préférant la table bien servie des officiers au régime par trop simple des bois, et Jason avait conclu avec Herman Mordaunt, après de longues et fréquentes discussions, un marché pour l’acquisition du terrain où il voulait faire construire un moulin, marché sur lequel il avait cru devoir consulter dans le temps la mère Dorothée. Comme le lecteur pourrait être curieux de connaître comment ces sortes d’affaires se traitaient dans la colonie en 1758, je vais exposer brièvement les conditions de l’acte qui fut définitivement conclu.

Herman Mordaunt ne cherchait à tirer aucun avantage pour lui-même de Ravensnest ; il ne pensait qu’à ses descendants aussi ne voulait-il pas vendre, il ne faisait qu’affermer à des conditions telles qu’il pût trouver des colons dans un pays où les terres étaient aussi abondantes que les bras étaient rares ; il désirait surtout s’attacher Jason Newcome ; aussi, dans le contrat, tout l’avantage fut-il pour le futur meunier.

Le bail était en partie à vie, en partie à rente ; la durée totale pouvait être évaluée à trente ans. Les dix premières années, aucune espèce de fermage ne devait être payé ; les dix années suivantes, la redevance devait être d’un demi-schelling par acre, —