Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/263

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couvré notre sang-froid que déjà nous avions perdu de vue l’habitation. À présent que nous nous étions avancés aussi loin, aucun d’entre nous ne parut songer à revenir sur ses pas, et le projet primitif fut abandonné tacitement. Il y avait sans doute quelque imprudence à se mettre ainsi à la discrétion d’un Indien que nous connaissions à peine, et qui nous avait inspiré si récemment de violents soupçons ; nous n’avions pas fait un mille que nous le reconnaissions tous intérieurement, sans que notre fierté naturelle nous permît d’en convenir.

Susquesus n’hésita pas plus sur la direction qu’il devait suivre, en nous guidant alors pendant l’espace de plusieurs lieues à travers la sombre et épaisse forêt, qu’il n’avait hésité la première fois en nous conduisant au pied du chêne à la cime brisée. Dans cette occasion, il se dirigea plus par le soleil que par des signes particuliers qu’il eût pu observer précédemment ; cependant, deux ou trois fois, il nous indiqua des points qu’il semblait reconnaître. Pour nous, nous étions comme le marin qui voudrait trouver un sentier frayé sur l’immensité de l’Océan. Nous avions nos boussoles, il est vrai ; et nous savions qu’en nous dirigeant vers le nord-ouest, nous devions déboucher assez près du lac George ; mais je doute que nous y fussions arrivés en aussi droite ligne par ce moyen qu’avec le secours de l’Indien.

Nous eûmes entre nous une discussion à ce sujet, à la première halte que nous fîmes pour prendre un peu de repos et quelque nourriture. Nous avions marché cinq grandes heures de suite : avec une grande rapidité, et presque toujours à vol d’oiseau, ne nous détournant jamais, à moins qu’il ne se présentât quelque obstacle infranchissable ; et nous calculions que nous pouvions avoir fait vingt milles sur les quarante auxquels l’Onondago évaluait la longueur de notre voyage. Nous nous étions armés d’un courage et d’une résolution qui défiaient la fatigue ; cependant je dois avouer qu’en arrivant à la source près de laquelle nous devions dîner, l’Indien était de beaucoup le plus dispos des cinq.

— Il paraît que le nez d’un Indien vaut celui d’un limier, dit Guert, dès que notre première faim fut apaisée ; j’en demeure d’accord. Cependant je crois, Corny, qu’après tout une boussole