Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/292

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— Faites cette question à l’Indien, dit Dirck avec quelque insistance… Nous regardâmes Susquesus comme pour l’interroger, car un regard suffisait toujours pour se faire comprendre de lui, surtout lorsqu’une allusion assez claire avait précédé cette interrogation muette.

— L’homme noir a fait une sottise, dit l’Onondago.

— Qu’est-ce que j’ai fait, démon de Peau Rouge que vous êtes ? demanda Jaap, qui éprouvait une sorte d’antipathie naturelle pour tous les Indiens ; sentiment auquel les Indiens répondaient par un mépris assez marqué pour sa race ; qui est-ce que j’ai fait, vilain démon, pour oser parler ainsi de moi à maître Corny ?

Susquesus ne montra aucun ressentiment de cette apostrophe un peu verte ; et il resta assis à sa place aussi immobile que s’il ne l’avait pas entendue. Jaap ne s’en emporta que davantage ; et comme il était toujours prêt à se battre dès que son orgueil était en jeu, la guerre eût éclaté incontinent entre eux deux, si je n’avais pas levé un doigt, pour arrêter dès sa naissance la fureur de Jaap Satanstoé.

— Pour avancer une pareille accusation contre mon esclave, Susquesus, lui dis-je, il faudrait pouvoir la prouver.

— Il a battu un guerrier rouge comme un chien.

— Eh bien ! après ? grommela Jaap, qui n’était encore qu’à moitié pacifié par mon signe ; est-ce qu’on a jamais entendu dire que quelques coups de corde aient fait mal à une Peau Rouge ?

— Le dos d’un guerrier est comme celui d’une squaw ; les coups le blessent. Il ne pardonne jamais.

— Eh bien ! alors, qu’il s’en souvienne ! cria le nègre en ouvrant sa bouche jusqu’aux oreilles dans une horrible grimace ; il était mon prisonnier ; et quel bien cela m’aurait-il fait de le laisser aller sans lui avoir donné une leçon ? Voilà ce que vous devriez dire à maître Corny, au lieu de toutes vos balivernes. Quand maître me bat, qui m’a jamais entendu me plaindre ?

— Et je ne vous ai point battu assez, maître drôle, ou vous auriez de meilleures manières, dis-je à mon tour ; car je crus nécessaire d’intervenir ; jamais Jaap n’avait montré en ma présence un caractère si querelleur, sans doute parce que je ne l’avais ja-