Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/297

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qu’une carabine vous plaise, que vous vouliez l’acheter, et qu’il se trouve deux Indiens qui prétendent qu’elle leur appartient ; si vous payez à chaque guerrier le prix qu’il demande, croyez-vous que votre droit à la propriété de la carabine en sera moins bon ?

L’Indien fut frappé de cette réponse, qui allait au caractère de son esprit. Il étendit la main droite, reçut la mienne et la secoua cordialement, comme pour dire qu’il était content. Cet épisode terminé, nous en revînmes au sujet plus important de la route que nous prendrions.

— Il paraîtrait que l’Onondago regarde comme probable que les Indiens français vont attaquer les établissements, dis-je à mes compagnons, et que nos amis de Ravensnest auront besoin de notre appui ; mais en même temps il pense que nous devons commencer par retourner à Mooseridge, auprès des arpenteurs. Qu’en pensez-vous, mes amis ?

— Entendons d’abord les raisons que donne l’Indien pour rejoindre les arpenteurs, répondit Guert. Si elles sont bonnes, je suis prêt à le suivre.

— Un arpenteur à une chevelure aussi bien qu’une squaw, dit Susquesus dans son langage bref, mais significatif.

— Il suffit ! s’écria Guert ; je comprends maintenant. L’Onondago croit que l’arpenteur et ses agents peuvent être attaqués par les Indiens, isolés et sans défense comme ils le sont, et que nous devons aller les prévenir.

— C’est très-bien, répondis-je, et certes, puisqu’ils travaillent pour nous, ils ont droit à notre appui. Mais, Guert, j’aurais pensé que ces arpenteurs auraient pu rester une année entière où ils sont, au milieu de la forêt, sans courir aucun risque d’être découverts, Qui les trahirait ?

— Voyez ! dit Susquesus avec énergie ; tuez un daim et laissez-le dans le bois. Les corbeaux ne trouveront-ils pas sa carcasse ?

— Il se peut ; mais le corbeau obéit à son instinct carnivore. Et puis il plane dans les airs, et peut voir plus loin qu’un Indien.

— Rien ne voit plus loin qu’un Indien ! Il voit du lac salé à l’eau douce ; il connaît tout dans les bois. Dites-lui une chose qu’il ne connaisse pas !