Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/325

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pas trompé en portant au moins à douze le nombre de nos ennemis. Nous laissant le soin de chercher les traces qui pouvaient se trouver dans les environs immédiats de la hutte, il suivit la piste pendant un demi-mille pour s’assurer qu’elle ne rejoignait pas la maison de l’autre côté. Mais il reconnut tout au contraire qu’elle se dirigeait en droite ligne vers Ravensnest. Guert et moi nous ne pouvions rien apprendre de plus affligeant, et nous aurions préféré mille fois que l’Onondago eût vu se confirmer ses premiers soupçons que les Hurons nous attendaient dans notre propre enceinte. Mais les plaintes étaient inutiles, et personne ne se communiqua ses inquiétudes.

Susquesus n’était pas d’un caractère à s’en fier entièrement aux apparences. il arrivait souvent que les Indiens expérimentés laissaient une piste visible uniquement pour tromper ; et l’Onondago, qui connaissait personnellement Musquerusque, savait bien qu’il avait affaire à un ennemi artificieux. Non content même de ce qu’il avait vu, il ne nous permit de quitter l’abri d’où nous faisions nos observations qu’après qu’il nous eut rejoints. Alors, pour franchir le dernier intervalle qui nous séparait de la hutte, il eut recours et autant de précautions qu’en prendraient des assiégeants pour s’approcher d’un fort. Chacun de nous devait choisir l’arbre le plus proche pour s’y tenir caché, et ne le quitter que pour passer derrière un autre avec la rapidité de l’éclair. Il nous fallut dix minutes pour arriver ainsi à vingt pas de la porte de l’habitation. Guert ne put s’astreindre plus longtemps à cette marche lente, et, suivant lui, si peu courageuse ; mais, quittant son abri, il alla droit à la porte d’un pas résolu, l’ouvrit toute grande et nous annonça que la hutte était vide. Susquesus, après avoir fait encore en dehors le tour de l’habitation, nous dit qu’il était sûr que personne n’y était entré depuis notre départ. Cette nouvelle était rassurante en ce que c’était le seul moyen que nos ennemis eussent pu avoir de connaître notre retour.

Il fallait décider à présent ce que nous allions faire. Il ne pouvait être question de rester ou nous étions : la prudence, le danger que couraient nos amis, nous appelaient ailleurs. Certes, c’était une entreprise hasardeuse d’essayer de gagner Ravensnest, mais