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CHAPITRE XXVIII.


La vie est suspendue entre deux mondes, comme l’étoile entre la nuit et le matin, à extrémité de l’horizon. Combien peu nous savons ce que nous sommes ; combien moins encore eu que nous deviendrons ! Le flot du temps coule incessamment, emportant nos bulles de savon, qui crèvent à peine formées, tandis que les empires ne s’élèvent un moment, comme la vague, que pour retomber dans l’abîme.
Byron



Herman Mordaunt annonça lui-même qu’un service de nuit venait d’être organisé pour veiller à la sûreté générale, et que chacun pouvait se livrer au repos. La foule était si grande à Ravensnest qu’il n’était pas facile de trouver un endroit pour poser la botte de paille qui devait nous servir de lit ; enfin, nous parvînmes à nous établir tant bien que mal ; et, malgré tout ce qui s’était passé le soir, la vérité m’oblige à dire que je ne tardai pas à dormir d’un profond sommeil ; mes compagnons en firent autant, la fatigue étant plus forte cette fois que toutes les préoccupations de l’amour, heureux ou malheureux, ou que les inquiétudes personnelles.

Il pouvait être trois heures quand je sentis qu’on me pressait le bras ; c’était Jason Newcome, qui avait été chargé d’éveiller les hommes de la maison, sans faire aucun bruit, afin qu’on ne pût rien entendre du dehors. En quelques minutes, tout le monde fut sur pied et armé.

Comme c’est le matin, avant le jour, lorsque le sommeil est le plus profond, que les sauvages font ordinairement leurs attaques, cette précaution n’étonna personne ; on y reconnaissait la prudence d’Herman Mordaunt, qui, déjà levé depuis longtemps, s’était placé en observation dans l’endroit le plus favorable. Pendant ce temps, les hommes, rassemblés dans la cour, au nombre de vingt-trois ou vingt-quatre, attendaient des ordres