Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/368

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Les Hurons, déconcertés, prirent la fuite. Il est rare que la panique se mette parmi ces sauvages, mais plus rare encore qu’ils se rallient sur le champ de bataille. Si une fois ils sont forcés de lâcher pied, et qu’ils soient poursuivis, ils se dispersent pour le moment, et c’est ce qui arriva alors. Une fois dans le ravin, je ne vis point d’ennemis. Guert et Jaap, qui étaient devant nous et que nous n’avions pu rejoindre encore, venaient de faire une décharge sur les derniers sans doute qu’ils avaient aperçus. Un seul coup fut tiré par les Hurons dans cette retraite ; cet adieu qu’ils nous adressaient retentit dans le ravin. Quoique envoyé de loin, ce coup eut les résultats les plus funestes. J’aperçus Guert à travers les arbres, et je le vis tomber. En un instant, j’étais à côte de lui.

Quel changement affreux de se voir arraché tout à coup à l’ivresse de la victoire pour se trouver face à face avec la mort ! Je vis à l’impression répandue sur les traits de Guert, lorsque je le soulevai dans mes bras, que le coup était fatal. La balle avait traversé le corps, épargnant les os, mais attaquant les organes de la vie. Il n’y a pas à se méprendre à l’altération qui se manifeste immédiatement sur la figure humaine, lorsqu’une blessure est mortelle. La nature semble avertir la victime de son sort.

— Ce coup m’a été fatal, Corny, me dit Guert, et il semble que ce soit le dernier qu’ils comptent tirer. Je suis tenté de souhaiter qu’il n’y ait rien de vrai dans ce que vous m’avez dit de Mary Wallace.

Ce n’était ni le temps ni le lieu de parler d’un pareil sujet, et je ne répondis rien. Dès que Guert était tombé, toute poursuite avait cessé, et nous étions tous rassemblés autour du blessé. Susquesus seul semblait comprendre encore combien il nous importait de savoir ce que faisait l’ennemi ; car ce n’était pas lui qui se laissait jamais ébranler par le spectacle de la mort. Et cependant il aimait Guert, comme, du reste, tous ceux qui, ne s’arrêtant pas à l’enveloppe extérieure de son caractère, savaient découvrir tout ce qu’il y avait en lui de sentiments nobles et généreux ; il regarda un moment le blessé, gravement, et d’un air d’intérêt ; puis, se tournant vers Herman Mordaunt, il lui dit :