Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 25, 1846.djvu/40

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— Voyons, qu’est-ce que je vais savoir ? J’écoute de mes deux oreilles. — Allons, mon cher, vous n’allez pas rester en si beau chemin.

— Eh ! bien, vous saurez qu’Anneke est une des plus jolies filles de la colonie ; et, qui plus est, elle est aussi ponne que jolie. — L’accent hollandais reprenait le dessus des que Dirck s’animait en parlant.

Je fus tout surpris de la vivacité et de l’énergie avec laquelle il s’exprimait. Dirck était un garçon tout rond, tout positif, et il ne me fût jamais venu à l’idée qu’il pût devenir amoureux. Je ne m’étais même jamais bien rendu compte de l’attachement que nous nous portions. L’habitude avait commencé par former notre liaison ; et l’opposition de nos caractères avait pu contribuer à la cimenter ; il y a souvent un attrait si irrésistible dans les contrastes ! En grandissant, j’avais apprécié de plus en plus les bonnes qualités de Dirck, et la raison était entrée pour beaucoup dans l’affection que j’avais pour lui. Mais si j’étais convaincu que Dirck ferait un excellent ami, jamais je n’aurais soupçonné qu’il pût connaître l’amour ; même, alors, je ne m’arrêtai pas longtemps à cette idée, quoique je me rappelle encore l’air d’ébahissement avec lequel je contemplai son visage en feu, ses yeux animés, son maintien vraiment imposant. En un moment, Dirck était devenu un tout autre homme.

— Et cette charmante personne est votre cousine ?

— Oui, ma cousine issue de germaine.

— Alors j’espère que quelque jour j’aurai l’honneur d’être présenté à miss Anneke Mordaunt, qui vient d’avoir dix-sept ans, qui est une des plus jolies filles de la colonie, et qui est aussi bonne qu’elle est jolie.

— Je voudrais que vous la vissiez, Corny, avant de retourner chez vous, reprit Dirck, qui avait alors repris tout son flegme ; mais rentrons à l’auberge, ou nous risquons de trouver notre dîner froid.

Je réfléchis en chemin à la chaleur extraordinaire qu’avait montrée mon ami ; puis, une fois à table, le repas qu’on nous servit m’eut bientôt fait oublier cet incident. Le dîner se composant, suivant l’usage, de jambon bouilli, de pommes de terre,