était hollandaise, j’en demande bien pardon à M. Follock, et l’on conviendra que le Connecticut a eu dès le principe l’avantage proéminent d’un territoire délicieux et d’habitants superlativement moraux et religieux.
Herman Mordaunt ouvrit de grands yeux ; Dirck et moi nous étions trop habitués au langage de Jason pour y trouver rien d’extraordinaire dans cette occasion. Quant aux jeunes amies, elles échangèrent imperceptiblement un sourire d’intelligence, comme pour se demander ce que voulait dire ce singulier original.
— Vous avez donc remarqué quelque différence dans les coutumes entre les deux colonies, monsieur ? demanda Herman Mordaunt.
— Une différence énorme, monsieur, énorme. En voulez-vous un tout petit exemple ? Tenez, voici un fait qui n’aurait jamais pu arriver dans le Connecticut, pas plus que toute la province ne tiendrait dans cette théière.
— Voyons un peu ; vous piquez ma curiosité.
— Il s’agit de la jeune miss, votre fille. Vous savez ce lion que nous avons été voir tous ensemble ; eh bien, Corny avait payé pour miss, rien de mieux jusque-là.
— Est-ce que ma fille aurait oublié de s’acquitter ?
— Patience, mon cher père, écoutez la fin de l’histoire.
— Non, sans doute, elle ne l’a pas oublié ; mais croiriez-vous bien que Corny a pris l’argent ? Je soutiens qu’on ne trouverait pas dans tout le Connecticut un homme qui en eût fait autant. Si l’on ne peut régaler des dames à présent, qui donc régalera-t-on ?
Il n’y avait pas moyen de se fâcher avec un pareil personnage. Herman Mordaunt lui répondit avec ce ton de politesse exquise qui ne l’abandonnait jamais :
— Il faut excuser miss Mordaunt de tenir à nos coutumes, monsieur Newcome, à cause de sa jeunesse et de son peu d’usage du monde.
— Mais Corny ; que Corny ait fait une pareille bévue !
— Que voulez-vous ? M. Littlepage est comme ma fille, il n’a pas encore voyagé dans le Connecticut.