Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/149

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

rière, et lorsque nous arrivâmes au « perchoir, » Ursule, Sans-Traces et moi, nous marchions de front.

Je suis embarrassé pour décrire cette scène remarquable. À mesure que nous approchions du sommet de la colline, des pigeons commençaient à se montrer, voltigeant au milieu des branches au-dessus de nos têtes, comme on rencontre des passants le long des routes qui conduisent aux faubourgs d’une grande ville. Nous avions pu voir mille de ces oiseaux errer ainsi çà et là, avant d’arriver au perchoir même. Plus nous avancions, plus le nombre augmentait ; enfin la forêt parut s’animer tout entière. C’étaient des battements d’ailes continuels et presque assourdissants, notre passage occasionnant un mouvement général dans cette innombrable population. Chaque arbre était littéralement couvert de nids ; il y en avait où, à l’ombre des feuilles et sur les branches, se cachaient des myriades de ces fragiles demeures. Elles se touchaient presque l’une l’autre, et cependant un ordre admirable semblait régner parmi ces centaines de milliers de familles ainsi rassemblées. C’était partout une odeur de poulailler, et des pigeonneaux, ayant tout juste assez de plumes pour faire l’essai de leurs forces, sautillaient autour de nous dans tous les sens, par bandes nombreuses. On voyait s’agiter, près d’eux, les pigeons plus âgés qui s’efforçaient de les protéger et de les préserver de tout accident. Les oiseaux se levaient à notre approche, ce qui les faisait paraître encore plus nombreux ; mais pourtant notre présence ne semblait pas produire un émoi général, ils étaient trop affairés pour faire grande attention aux étrangers qui arrivaient, quoique ceux-ci fussent d’une race ordinairement si hostile à la leur. Les masses se retiraient devant nous, comme une foule composée d’êtres humains fuit une presse ou un danger sur un point donné, le vide créé se remplissant l’instant d’après, de même que l’eau de l’Océan se précipite dans le sillage tracé par la quille d’un bâtiment.

L’effet produit sur la plupart d’entre nous fut des plus saisissants ; et je ne puis comparer la sensation que j’éprouvai qu’à cet enivrement que nous ressentons en nous trouvant tout à coup au milieu d’une multitude dont les passions sont excitées au plus