Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/163

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-là, avait eu l’intention de marier sa fille à un lord anglais. Mais à quoi bon vous répéter toutes ces sottes histoires ?

— Elles ne sauraient m’être indifférentes, puisqu’elles concernent mes parents.

— Je suis sûre que ce sont autant d’inventions, comme tous les bruits qui circulent sur ce qui se passe dans l’intérieur des familles. Au surplus, puisque vous le voulez, ma tradition ajoute que votre mère s’était d’abord laissé captiver par les brillantes qualités du jeune lord, mais qu’elle finit par donner la préférence au général Littlepage, et que cette union a été des plus fortunées.

— Votre tradition ne rend pas justice à ma mère, et altère la vérité sur un point très important. Je tiens de ma grand’mère que l’attachement de sa fille pour mon père remonte et leur plus tendre enfance, et qu’il fut inspiré par la manière dont, la voyant insultée par un autre petit garçon, il prit généreusement sa défense.

— Ah ! tant mieux ! s’écria Ursule avec une énergie qui me frappa. Je ne conçois pas qu’une femme aime deux fois. Aussi, il y a une autre partie de la tradition que j’aime beaucoup, d’après laquelle une amie de votre mère qui avait perdu son fiancé dans la nuit de l’attaque dirigée contre Ravensnest, n’aurait jamais voulu se marier, pour rester fidèle à sa mémoire.

— Ne s’appelait-elle pas Wallace ? demandai-je vivement.

— Oui, Mary Wallace ; c’est un nom qui me sera toujours cher. À mes yeux, monsieur Littlepage, il n’y a rien de plus digne de respect et de vénération que la femme qui reste fidèle à ses premières affections ; dans toutes les circonstances, dans la vie comme dans la mort.

— Et aux miens également, chère Ursule ! m’écriai-je avec transport.

Mais je n’aurai pas la niaiserie de chercher à rapporter tout ce que je lui dis alors. Ursule, en quelques semaines, avait tellement pris racine dans mon cœur que tous mes efforts pour l’en arracher eussent été inutiles, lors même que j’en aurais eu le désir. Mais déjà je m’étais interrogé froidement, et je ne voyais aucun motif pour vouloir m’affranchir de l’empire qu’Ursule Mal-