Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/174

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Susquesus n’était pas d’un caractère à battre ainsi en retraite. Il ne dit rien, mais au premier pas que je fis, il reprit tranquillement sa place accoutumée en avant, et me conduisit vers les squatters. Ils étaient quatre à l’ouvrage, enfoncés dans l’eau, indépendamment du vieux chef qui était généralement connu sous le sobriquet de Mille-Acres, et qui, avec deux jeunes gaillards pleins de vigueur, était resté sur la terre sèche, présumant sans doute que son âge et les longs services qu’il avait rendus à la cause de la désorganisation sociale lui donnaient droit à ce léger avantage.

La première nouvelle qu’ils eurent de cette visite inattendue, fut par le craquement d’une branche sèche sur laquelle je marchai par mégarde. À ce bruit le vieux squatter tourna la tête par un mouvement aussi rapide que la pensée, et il vit l’Onondago debout à quelques pas de lui. J’étais immédiatement derrière. Mille-Acres ne manifesta ni surprise ni inquiétude. Il connaissait Susquesus, et quoique ce fût la première visite qu’il reçût de lui dans cet endroit spécial, ils s’étaient souvent rencontrés de la même manière, et toujours sans autre avertissement préalable. Loin donc qu’aucun sentiment fâcheux se peignît sur la figure du squatter, Susquesus fut accueilli par un sourire amical, où se mêlait seulement une légère teinte de malice.

— Ah ! ce n’est que vous, Sans-Traces ? Je pensais que ce pouvait être le shérif. On voit quelquefois venir dans les bois de ces sortes de créatures ; mais elles n’en sortent pas toujours. Comment avez-vous fait pour nous dénicher dans cette retraite assez isolée, Onondago ?

— J’ai entendu le moulin la nuit ; la scie à une langue bien pendue. J’avais faim ; je suis venu pour avoir quelque chose à manger.

— Eh ! bien, cela tombe assez bien, car nous n’avons jamais été mieux montés en provisions. Les pigeons sont presque aussi nombreux que les feuilles des arbres, et la loi n’en est pas encore venue au point de défendre de prendre des pigeons dans la forêt. Il faudra pourtant que j’aie soin de mieux graisser cette scie. C’est une bavarde qui pourrait nous trahir : mais venez, suivez-