Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/183

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homme qui ne l’a pas seulement vu. Entendez-vous quelque chose à la loi ?

— Pas grand’chose, — ce qu’on en apprend en traversant la vie.

— C’est un voyage dans lequel vous n’êtes pas encore très-avancé, jeune homme, on le voit à votre figure. Mais on reconnaît à votre langage, à votre manière de vous exprimer, que vous avez été éduqué d’une certaine manière, et vous devez en savoir plus que nous autres habitants des bois.

— Si j’ai reçu quelque instruction, répondis-je d’un ton modeste, cela ne m’a pas empêché, comme vous voyez, de mener la vie des forêts.

— Quand l’inclination y est, il faut bien la satisfaire. Essayez donc de clouer dans un établissement ceux qui ont besoin du grand air ! Mais, dites-moi, pourriez-vous me dire ce que le bois de construction pourra se vendre cet automne ?

— Tout est à la hausse depuis la paix, et il est probable que le commerce des bois se ressentira de cette heureuse influence.

— Ma foi, il est grand temps ! Pendant toute la guerre, une belle et bonne planche n’avait pas plus de valeur qu’un morceau d’écorce. Nous avons eu huit dures années à passer, et j’ai été tenté plus d’une fois de laisser tout là, et d’aller m’établir dans quelque clairière comme tous vos gens pacifiques. Mais je me suis dit que puisque tout doit prendre fin dans ce monde, la guerre finirait aussi quelque jour.

— C’était bien raisonner. En effet la guerre a dû être un mauvais temps pour vous ?

— Détestable ; et cependant la guerre a aussi son bon côté, comme la paix. Un jour l’ennemi n’avait-il pas fait main basse sur un nombreux convoi d’approvisionnements, du porc, du blé, du rhum de la Nouvelle-Angleterre, que sais-je ? — Pour emporter son butin, il mit en réquisition tous les attelages qu’il put trouver ; mes chevaux et ma charrette durent marcher comme les autres. Je me résignai, et je vous assure que mes pauvres bêtes en avaient bien leur charge. C’était un assortiment de denrées qui faisait plaisir à voir. Nous étions dans un pays de bois, car autrement vous pensez bien que je n’aurais pas été là. Comme je con-