Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/187

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

pouvait lui donner une idée des modes les plus nouvelles. C’est un sentiment général dans la basse classe en Amérique, et il n’était pas déraisonnable de supposer que ce jeune squatter en ressentait l’influence. Mais je m’aperçus bientôt que je m’étais complètement trompé. C’était par suite d’impressions toutes différentes que l’attention du frère et de la sœur se dirigeait si opiniâtrement sur moi.

Ce qui me mit d’abord sur la voie, et me fit comprendre ma méprise, ce fut le changement immédiat qui se fit dans les manières de Mille-Acres, dès que son fils lui eut parlé. Il se retourna tout à coup et se mit à m’observer d’un air de défiance et de menace en même temps. Puis il donna toute son attention à son fils ; après quoi je subis un nouvel examen. Une pareille scène ne pouvait se prolonger longtemps, et je me retrouvai face à face avec l’homme que je ne pouvais plus considérer que comme un ennemi.

— Écoutez, jeune homme, reprit Mille-Acres, dès qu’il fut revenu près de moi ; mon garçon, Zéphane, a conçu sur vous des soupçons qu’il vaut mieux éclaircir avant que nous nous quittions. Je vous l’ai déjà dit, j’aime la franchise, et je méprise du fond du cœur toutes les cachotteries. Zéphane à une idée que vous êtes le fils de ce Littlepage, et que vous êtes venu nous espionner et nous tirer les vers du nez avant d’exécuter vos mauvaises intentions ! Est-ce vrai, oui ou non ?

— D’où peuvent naître les soupçons de Zéphane ? répondis-je avec tout le sang-froid que je pus appeler à mon aide. Il ne me connaît pas, et c’est, je crois, la première fois que nous nous trouvons ensemble.

— Rien de plus juste ; mais on peut voir quelquefois certaines choses, sans qu’il soit besoin qu’elles vous crèvent les yeux. Mon fils va et vient souvent entre l’établissement de Ravensnest et le nôtre, et il est resté deux grands mois de suite par là-bas à travailler. Je me sers de lui de temps en temps pour faire un brin de commerce avec l’écuyer Newcome.

— M. Jason Newcome ?

— Oui, l’écuyer Newcome, comme il a droit d’être appelé. Il faut donner au diable ce qui lui revient ; c’est mon principe. Zéphane est donc resté longtemps à Ravensnest cet été, et je lui