Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/243

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— C’est ce dont ils conviendront à l’amiable, cria Tobit dont la patience commençait à se lasser ; ce seraient de bien tristes voisins, s’ils ne pouvaient tomber d’accord sur une pareille vétille.

— Enfin, si nos deux squatters voulaient avoir le même coin de terre, qui l’emporterait ?

— Faudra-t-il vous le répéter sans cesse ? le premier venu.

— Ah ! voilà où je vous attendais ! Êtes-vous donc le premier qui soyez venu ici ? Est-ce que longtemps avant vous, un certain général Littlepage et son ami le colonel Follock n’avaient pas pris possession de cette terre ? Est-ce qu’ils ne l’avaient pas fait mesurer et diviser en plusieurs lots ? Ils ont la possession pour eux depuis plus d’un quart de siècle, ils veulent la conserver, et, d’après vos principes mêmes, ils en ont le droit.

Il y eut un long intervalle de silence, pendant lequel les différents membres de la famille se regardèrent les uns les autres comme pour voir lequel d’entre eux se chargerait de réfuter le porte-chaîne ; mais, comme ils avaient été accoutumés à ne jamais envisager qu’un seul côté de la question, ils se sentaient déconcertés.

— Je ne m’étonne plus qu’on vous ait surnommé Mille-Acres, continua le porte-chaîne, poursuivant ses avantages ; vous avez même été modeste ; car avec un titre tel que celui que vous invoquez, vous auriez pu vous faire appeler tout aussi bien Dix-Mille-Acres. Vous vous êtes vraiment arrêté en beau chemin.

Mais le squatter n’était plus d’humeur à supporter cette ironie ; et il interrompit brusquement une conférence dont il avait attendu de tout autres résultats.

— Qu’on le remmène ! dit-il à ses enfants en se levant et en se plaçant un peu de côté pour laisser un passage. J’aurais peine à me contenir plus longtemps. Il est né le serviteur des riches, et il mourra leur serviteur. Puisqu’il aime tant les chaînes, tout ce que je lui souhaite, c’est d’en porter tout le reste de sa vie.

— Voyez donc ces enfants de la liberté ! cria André pendant qu’il se laissait reconduire tranquillement en prison. Tout va bien, quand tout est pour eux, rien pour les autres. La loi du Seigneur est admirable, tant qu’ils pensent pouvoir s’en préva-