Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/246

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et je m’assis sur un tonneau pour y donner un libre cours. Il paraît que je n’étais pas le seul à éprouver cette singulière impression ; Laviny s’abandonnait de son côté aux éclats de sa gaieté, tandis que ses frères trébuchaient à chaque pas au milieu des tonneaux, des barils et des ustensiles qui encombraient la partie supérieure de la maison, où ils continuaient leurs recherches. Cet accès de gaieté ne resta pas impuni, car Prudence détacha à sa fille un soufflet dont le bruit arriva jusqu’à mes oreilles ; mais cet air d’insouciance et de bonne humeur était encore de nature à éloigner tout soupçon. Deux ou trois minutes après que la trappe s’était refermée, tout bruit de pas et de voix cessa de se faire entendre, et la hutte parut abandonnée.

Ma position était loin d’être agréable. Confiné dans une cave obscure, sans possibilité de m’échapper autrement que par la trappe, et avec la presque entière certitude de retomber entre les mains des squatters, si j’en faisais la tentative, je commençai à regretter de m’être prêté si facilement au projet de Laviny. Il y aurait eu tout à la fois danger et ridicule à être repris ; car on ne pouvait pas prévoir à quelles extrémités se porteraient des hommes aussi exaltés que Mille-Acres et son fils aîné. Enseveli dans mon trou, j’étais aussi complètement en leur pouvoir que dans le magasin.

Telles étaient les réflexions auxquelles je me livrais, quand le jour pénétra de nouveau dans la cave. La trappe se leva, et j’entendis prononcer tout bas mon nom. J’approchai de l’échelle, et j’aperçus Laviny qui me faisait signe de monter. Je suivis aveuglément ses instructions, et je fus bientôt à côté d’elle. La jeune fille semblait partagée presque également entre les angoisses de la frayeur et une envie de rire qu’excitait le souvenir de toutes les circonstances burlesques qui avaient accompagné la dernière recherche.

— N’est-ce pas drôle qu’aucun d’eux ne vous ait reconnu ? me dit-elle à l’oreille ; puis m’ordonnant de me taire par un geste précipité : chut ! ajouta-t-elle ; ne parlez pas ; ils sont à vous chercher tout près, et ils pourraient bien me suivre ici. Je veux vous faire sortir de la cave, car quelques-uns des plus jeunes vont venir chercher ici du porc, et ils ont des yeux de lynx. Ne