Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/257

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un moment. Allons, vite ! — Surtout ne partez point pour tout à fait sans que je vous aie revu.

J’entendis ces derniers mots en descendant le long de la poutre. Au moment où je la quittais, je risquai un coup d’œil sur les objets environnants, et je vis, à une centaine de pas, Mille-Acres et Tobit, qui s’étaient séparés du groupe général, et qui semblaient se concerter ensemble. Je m’élançai aussitôt sur le roc, et descendant la rampe de la colline, j’arrivai à l’endroit ou un arbre avait été jeté à travers la rivière. Jusqu’à ce que j’eusse franchi ce pont et que j’eusse pu gravir l’autre bord, j’étais complètement exposé aux regards de quiconque aurait pu se trouver dans l’enfoncement ; et, à tout autre moment, surtout dans cette saison, je n’aurais pu manquer d’être découvert, puisqu’il y avait toujours quelque squatter a l’ouvrage sur le bord de l’eau ; mais alors ils étaient tous réunis sur un autre point par suite des incidents de la matinée, et j’effectuai ce trajet critique sans encombre. Dès que je me trouvai à l’abri derrière un rideau de petits pins qui bordaient le sentier, je repris un moment haleine, et je cherchai, en écartant quelques broussailles, à observer ce qui se passait.

Le groupe des jeunes squatters était toujours à la même place, Mille-Acre et Tobit se promenant à l’écart. Prudence se tenait à la porte d’une butte éloignée, entourée, suivant son habitude, d’un essaim de petits marmots, et s’entretenant vivement avec deux ou trois de ses belles-filles. Laviny avait quitté le moulin, et elle errait sur la colline opposée, assez près du bord pour m’avoir vu franchir l’espace découvert. Voyant qu’elle était toute seule, je me hasardai à tousser assez haut pour me faire entendre d’elle. Un geste d’effroi me convainquit que j’avais réussi ; et après m’avoir fait signe de partir, elle courut rejoindre les femmes qui entouraient sa mère.

Quant à moi, je ne pensai plus qu’à Ursule. Que m’importait qu’elle en aimât un autre ? une fille comme elle ne devait pas être sacrifiée à un Zéphane, et, si je ne perdais pas de temps, elle pouvait encore être sauvée. Cette idée me donna des ailes, et je fus bientôt en vue du châtaignier. Trois minutes après, j’étais au pied de l’arbre. Comme j’avais été au moins un quart d’heure à contourner cette partie de la clairière, je crus prudent d’observer