Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/316

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lennel, au milieu des scènes étranges et à demi sauvages du drame qui se passait sous mes yeux. Ursule en fut surtout vivement émue ; elle quitta le chevet de son oncle, et, avec une expression d’intérêt peinte dans tous les traits, elle s’approcha de ces deux vieux époux, qui allaient être séparés pour peu de temps, et ses yeux restèrent fixés sur l’homme qui, probablement, était le meurtrier de son oncle, comme si elle cherchait quelque moyen d’adoucir ses souffrances morales. Le porte-chaîne, lui-même, essaya de soulever la tête, et regarda l’autre groupe d’un air de sympathie. Personne ne parla : on sentait que les communications qui avaient lieu entre ce mari et cette femme, dans un pareil moment, avaient un caractère trop sacré pour qu’il fût permis de les interrompre.

— Non, sans doute, mon homme, répondit Prudence dont la voix tremblait, malgré elle, d’émotion ; il ne peut y avoir ni loi, ni précepte qui le demande. Nous ne sommes qu’une seule et même chair, et Dieu ne voudra pas séparer ce qu’il a uni lui-même. Je ne resterai pas longtemps après vous, Aaron, et quand je vous rejoindrai, j’espère que ce sera dans un lieu où il n’y aura ni arbres, ni planches, ni acres de terre, qui puissent être un sujet de tourment pour nous.

— J’ai été durement traité pour ce bois, murmura le squatter qui avait alors repris tous ses sens, et qui ne pouvait s’empêcher de reporter ses pensées sur ce qui avait fait la grande occupation de sa vie, même au moment où cette vie lui échappait, — oui, durement traité, Prudence. Car, enfin, qu’est-ce que les Littlepage pouvaient réclamer après tout, en leur supposant tous les droits du monde ? seulement les arbres sur pied, voilà tout ; car ces arbres, ce sont mes garçons et moi, comme vous savez, qui les avons convertis en planches, les plus belles et les plus droites qu’on ait jamais présentées au marché !

— C’est d’un autre genre de conversion que vous avez besoin à présent, Aaron. Il faut que nous nous convertissions tous une fois dans notre vie, nous, du moins, qui sommes les enfants de parents Puritains ; et il faut avouer que, si l’on considère notre âge, et l’importance de l’exemple dans une famille telle que la nôtre, nous n’avons attendu que trop longtemps. Il faut en finir, mon