Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/318

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rière, et à remercier les hommes qui étaient venus nous prêter main-forte. Ils l’avaient fait avec empressement, à la première réquisition du magistrat ; car le respect pour la loi est un des traits caractéristiques des Américains, et notamment des habitants de la Nouvelle-Angleterre, et la plupart étaient originaires de ce pays. Quelques observateurs prétendent que ce respect s’affaiblit graduellement, et que l’influence des hommes tend à se substituer à celle des principes. Ceux-ci sont éternels et immuables ; ils viennent de Dieu, et les hommes n’ont pas plus le droit de chercher à les altérer, que de blasphémer son saint nom. Le résultat le plus beau, le plus généreux que puisse se promettre la liberté politique, c’est d’appliquer ces principes au bonheur de la race humaine ; mais vouloir substituer à ces règles justes et invariables du droit, des lois dictées par l’égoïsme et votées à coups de majorités, c’est faire revivre la tyrannie sous une forme populaire, et ouvrir le champ à des abus aussi criants que tous ceux qu’on a reprochés aux gouvernements monarchiques ou aristocratiques. C’est une erreur déplorable de penser que la liberté est conquise, du moment que le peuple a acquis le droit de gouverner. Ce droit n’est autre chose que la faculté de faire prévaloir en sa faveur les grands principes de justice, de la possession desquels il avait été exclu jusqu’alors. Il ne confère en aucune manière le pouvoir de faire ce qui est mal en soi, quelque prétexte qu’on puisse invoquer, et l’Amérique n’aurait rien gagné, si en secouant un joug qui la forçait d’user toutes ses ressources et toute son énergie à augmenter les richesses et l’influence d’une nation lointaine, elle s’était mise à fabriquer un nouveau système dans lequel les abus de tout genre n’auraient fait que changer de nom.

J’appris dans cette tournée que Susquesus et Jaap étaient partis ensemble pour pousser une reconnaissance et voir ce que les squatters étaient devenus. Ils se proposaient de suivre leurs traces pendant plusieurs milles, afin de bien s’assurer que Tobit et ses frères ne rôdaient pas dans les environs, prêts à tomber sur nous au moment où nous ne serions pas sur nos gardes.

Quand nous repassâmes devant l’habitation de Mille-Acres, Laviny venait nous prévenir qu’on nous demandait, et je vis à