Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/326

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— Rien ne m’étonne de la part d’Ursule, mon cher porte-chaîne ; et rien ne saurait m’être plus agréable que de vous entendre ainsi faire son éloge !

Le porte-chaîne avait bien prévu l’instant de sa mort. Jamais je n’ai vu de fin plus tranquille. Ses souffrances avaient cessé avant qu’il rendît le dernier soupir ; mais elles avaient été atroces par moments, comme il me l’avait confié dans le cours de la journée. — Tâchons surtout qu’Ursule n’en sache rien, m’avait-il dit tout bas ; la pauvre enfant ignore que ces sortes de blessures sont toujours douloureuses ; n’ajoutons pas à ses peines.

À moins d’être dans le secret, on n’aurait pu soupçonner qu’André souffrît autant. Ursule fut trompée, et elle ne sait pas encore la vérité. Mais, comme je l’ai dit, les douleurs cessèrent vers le soir, et le porte-chaîne eut même, à divers intervalles, quelques instants de repos.

Il se réveilla avec le jour et ne s’endormit plus que du dernier sommeil. Par suite sans doute de son grand âge, ses sens s’éteignirent en quelque sorte l’un après l’autre. Il répétait plusieurs fois les questions auxquelles nous venions de répondre ; et, au moment même où Ursule, qui était descendue dès cinq heures du matin, priait et veillait auprès de lui comme un ange gardien, il demanda avec anxiété où elle était.

— Me voici, mon oncle, répondit la chère enfant d’une voix tremblante, me voici, devant vous ; je vais humecter un peu vos lèvres.

— Frank ou Malbone, appelez-la ; je voudrais qu’elle fût près de moi au moment où mon âme monte au ciel !

— Mon bon oncle, c’est moi qui vous serre dans mes bras ! répondit Ursule en élevant la voix pour se faire entendre, effort qui lui coûta beaucoup ; ne croyez pas que je puisse vous quitter un seul instant !

— Je le sais ! dit le porte-chaîne, en cherchant à soulever sa main défaillante pour sentir sa nièce. Vous n’oublierez pas, Ursule, ce que je vous ai demandé au sujet de Mordaunt. Si cependant il obtient le consentement de toute sa famille, épousez-le, ma fille, et recevez ma bénédiction. — Embrassez-moi, Ursule. Comme vos lèvres sont froides ! ce n’est pas comme votre cœur,