Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/344

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miss Bayard envers nous. Si elle nous eût laissé entrevoir le moins du monde que son cœur appartînt à ce Malbone, je ne me serais point donné tant de peines pour décider mon petit-fils à penser sérieusement à elle.

— Tranquillisez-vous, bonne maman, m’écriai-je ; votre petit-fils n’a jamais pensé sérieusement à elle une seule minute. Le plus grand bonheur qui puisse m’arriver, c’est d’apprendre que Priscilla Bayard doit épouser Frank Malbone ; — excepté toutefois celui d’acquérir la certitude que moi-même j’épouserai sa sœur.

— Je n’y conçois rien, en vérité ! Dire que je n’ai jamais entendu parler de cette jeune personne, et que, par conséquent, je n’ai pu encore vous la proposer !

— Vous la connaîtrez, ma chère bonne maman, et vous vous convaincrez qu’aucun choix ne saurait mieux me convenir.

Mais à quoi bon répéter tout ce qui se dit dans cette longue conversation, si intéressante pour moi ? Certes, j’avais tout lieu d’être content ; car mes parents ne pouvaient me montrer ni plus de bonté, ni plus d’indulgence. J’avoue cependant que, quand un domestique vint annoncer que le déjeuner était servi, et que miss Ursule nous attendait dans la salle à manger, je tremblai un peu que l’effet qu’elle allait produire ne répondît pas entièrement à mon attente. Elle avait beaucoup pleuré depuis une semaine ; et, quand je l’avais vue, la veille, à l’enterrement, elle était pâle et abattue. Je n’étais pas sans une certaine inquiétude.

Anneke, Priscilla, la tante Mary, Frank et Ursule étaient assis déjà quand nous entrâmes. Ursule occupait le haut bout de la table. Elle n’avait pas commencé à verser le thé ou le café ; elle attendait respectueusement l’arrivée des convives qu’on pouvait regarder comme les plus importants. Dès que je la vis, je fus complètement rassuré : jamais elle ne m’avait paru plus jolie. Ses cheveux blonds, ses joues roses. ses yeux brillants, faisaient un contraste charmant avec ses vêtements de deuil. Ses traits avaient repris leur enjouement et leur fraîcheur. Le fait était que la position de fortune de son frère était beaucoup meilleure qu’on ne nous l’avait dit d’abord. Frank avait trouvé des lettres où son vieux parent lui annonçait la mort de son fils unique, et sa réso-