Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/348

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Il était trop heureux lui-même pour verser beaucoup de larmes, quoique Ursule éprouvât un profond attendrissement. La chère enfant ne pouvait s’empêcher sans doute d’établir dans son esprit des comparaisons entre le passé si triste et le présent si heureux !

À la fin de la lune de miel, j’aimais Ursule deux fois plus encore qu’au moment de notre mariage. Si quelqu’un m’eût dit d’avance que cela était possible, je n’aurais jamais voulu le croire ; et cependant le fait était certain, et cet attachement s’accrut encore de jour en jour. Nous quittâmes alors Ravensnest pour Lilacsbush, et j’eus le plaisir de voir mon Ursule faire son entrée dans le monde, dans celui du moins qu’elle était destinée à voir, avec un succès complet. Cependant, avant de quitter la concession, tous mes plans avaient été faits pour la construction de la maison dont mon père avait parlé. Les fondations en furent faites dans la saison même, et, l’année suivante, nous y célébrâmes les fêtes de Noël : Ursule alors m’avait rendu père d’un beau garçon.

Ai-je besoin d’ajouter que Frank et Priscilla, Thomas et Catherine se marièrent très peu de temps après nous, et que ces unions furent parfaitement heureuses ? le vieux M. Malbone ne passa pas l’hiver, et il laissa toute sa fortune à son cousin. Frank voulait la partager avec sa sœur, mais je m’y opposai. Je n’avais épousé Ursule que pour elle-même, et son cœur était un trésor trop précieux pour que je ne dusse pas m’estimer encore trop heureux de le posséder. Ce que je pensais en 1785, je le pense encore aujourd’hui. Il fallut bien accepter quelques riches cadeaux en argenterie et en bijoux, mais je refusai obstinément tout partage de la fortune. L’accroissement rapide de New-York ne tarda pas à donner une grande valeur aux propriétés que nous y avions, et nous devînmes bientôt plus riches qu’il n’était nécessaire à notre bonheur. J’espère n’avoir jamais fait un mauvais usage des dons de la Providence ; ce dont je suis sûr du moins, c’est que de tout ce que je possédais, ce que j’aimais, ce que j’estimais le plus, c’était Ursule.

Je dois dire un mot de Jaap et de Susquesus. Tous deux vivent encore, et ils demeurent à Ravensnest. Je fis construire pour l’Indien, à peu de distance de la maison, une petite habitation dans un certain ravin qui avait été le théâtre d’un de ses pre-