Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/58

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la plus commode ou la mieux abritée. Sur une petite table, placée à portée, étaient quelques flacons de vin et des corbeilles de fruits. Ma mère s’était rapprochée de moi, car je ne fumais pas, tandis que la tante Mary et Catherine se trouvaient enveloppées de l’atmosphère du tabac. Sur le bord de l’eau était un grand bateau, qui contenait une ou deux malles et un portemanteau. Jaap était étendu sur l’herbe, à moitié chemin à peu près entre le tilleul et la rivière, tandis que deux ou trois de ses petits enfants se roulaient à ses pieds. Dans le bateau était son fils, tout prêt à se servir des avirons dès qu’il en recevrait l’ordre.

Ces apprêts annonçaient mon prochain départ pour le Nord. Le vent était au sud, et des sloops, de diverses grandeurs, passaient successivement sous nos yeux, à mesure qu’ils avaient pu profiter de la brise pour se mettre en route. L’Hudson ne portait pas alors la dixième partie des embarcations qu’on y voit aujourd’hui ; mais cependant, si près de la ville, et à un moment où le vent et la marée étaient favorables, il y en avait assez pour former une petite flotte. Appartenant, pour la plupart, à la partie supérieure de la rivière, elles se ressentaient du goût de nos ancêtres hollandais. Excellentes marcheuses devant le vent, elles n’étaient plus bonnes à rien dès que le temps était contraire, et elles mettaient généralement de huit à quinze jours pour descendre d’Albany, pour peu que le vent soufflât du sud. Cependant presque personne ne songeait à franchir la distance entre les deux plus grandes villes de l’État, Albany et New-York, autrement qu’à bord d’un de ces sloops. J’attendais, en ce moment, l’arrivée d’un certain Aigle, d’Albany, commandé par le capitaine Bogert, qui devait me prendre à Lilacsbush. Ce qui m’avait décidé à choisir ce bâtiment, c’est qu’il avait, à l’arrière, une espèce de chambre, formée par un grand rideau vert, avantage que toutes les embarcations étaient loin d’offrir à cette époque.

Jaap, qui devait m’accompagner dans mon voyage à Ravensnest, devait m’avertir, dès qu’il apercevrait notre bâtiment, de sorte que je pouvais profiter sans crainte des derniers moments que j’avais à passer en famille.