Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/77

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Dans le premier moment, l’Indien et moi nous parlâmes de la dernière guerre, et des scènes dans lesquelles nous avions joué tous deux un rôle. Il s’exprima, sur ce qui le concernait, avec simplicité, et sans se laisser aller à ces fanfaronnades auxquelles l’homme à peau rouge n’est que trop enclin, surtout lorsqu’il veut provoquer ses ennemis. Enfin je détournai brusquement le sujet de la conversation en disant :

— Vous n’étiez pas seul dans le bois de pins, Susquesus ; ce bois d’où vous sortiez, au moment où vous m’avez rejoint ?

— Non, assurément, je n’étais pas seul. Il y a là beaucoup de monde.

— Est-ce qu’il y a un campement de votre tribu dans ce bois ?

La physionomie de mon compagnon se rembrunit, et je vis que la question qui lui était faite lui causait une impression pénible. Il ne répondit pas sur-le-champ, et, quand il le fit, ce fut avec un sentiment de tristesse.

— Susquesus n’a plus de tribu. Il y a trente étés qu’il a quitté les Onondagos ; il n’aime pas les Mohawks.

— Il me semble que mon père m’en a dit quelque chose ; et il ajoutait même que le motif qui vous avait fait vous séparer des vôtres était à votre honneur. — Mais on chantait dans le bois ?

— Oui, une jeune fille chantait. Les jeunes filles aiment à chanter ; les guerriers aiment à écouter.

— Et de quelle langue étaient donc les paroles qu’elle chantait ?

— La langue des Onondagos, répondit l’Indien à voix basse.

— Je n’aurais jamais cru que votre musique pût être aussi douce. Il y a longtemps que je n’ai entendu des accents qui allassent plus droit à mon cœur, bien que je ne comprisse pas les paroles.

— C’est un oiseau, un joli petit oiseau, qui chante comme un roitelet.

— Et avez-vous beaucoup de chanteuses de ce genre dans votre famille, Susquesus ? S’il en est ainsi, je viendrai souvent pour écouter.