Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/78

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— Pourquoi ne pas venir ? le chemin est sans ronces ; il est court. La jeune fille chantera autant que vous voudrez.

— Eh bien ! vous recevrez très-certainement ma visite un de ces jours. Où êtes-vous fixé à présent ? Êtes-vous Susquesus ou Sans-Traces dans ce moment ? Je vois que vous êtes armé, mais vous n’êtes point peint en guerre.

— La hache est enterrée profondément, cette fois. Personne ne la déterrera d’ici à longtemps. Les Mohawks ont fait la paix ; les Oneidas ont fait la paix ; les Onondagos aussi ; tous ont enterré la hache.

— Tant mieux pour nous autres propriétaires. Je suis venu pour tâcher de vendre ou de louer mes terres. Peut-être sauriez-vous me dire s’il y a beaucoup de jeunes gens qui cherchent des fermes cet été ?

— Les bois en sont pleins. Ils sont nombreux comme les pigeons. Comment vendez-vous la terre ?

— Cela dépend de sa qualité. Est-ce que vous voudriez en acheter, Sans-Traces ?

— L’Indien à toute la terre à lui, quand il en a besoin. Il établit son wigwam où il lui plaît.

— Oui, je sais que vous autres Indiens vous avez cette prétention ; et tant que le pays restera dans son état sauvage, personne ne sera tenté de vous la contester. Mais vous ne pouvez faire de plantations ni de récoltes, comme la plupart des hommes de votre nation font chez eux.

— Je n’ai pas de squaw, pas de pappoose. — Il faut peu de blé pour Susquesus. — Il n’a pas de squaw, pas de pappoose, pas de tribu.

Cela fut dit à voix basse, d’un ton assuré, mais empreint d’une mâle mélancolie, que je trouvai bien touchant. L’homme qui se plaint excite peu de sympathie ; celui qui pleure cesse d’inspirer du respect ; mais je ne sache pas de spectacle plus imposant que celui d’une nature énergique qui maîtrise sa douleur.

— Vous avez des amis, Susquesus, répondis-je, si vous n’avez ni femme, ni enfants.