Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 26, 1846.djvu/84

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pecter certains grands principes qui sont justes en soi ; et une fois qu’ils ont été proclamés, il faut en admettre les conséquences. Ainsi du droit de propriété : une fois établi, il doit être sacré.

— Je comprends. On ne demeure pas dans une clairière pour rien. Pas de ferme, pas de tête.

— C’est bien le fond de la pensée, Susquesus, bien que je l’eusse exprimée différemment. Je veux dire que, sans la civilisation, les Visages-Pâles seraient comme l’homme rouge ; et que, sans le droit de propriété, ils seraient sans civilisation. Personne ne travaille pour un autre comme il travaillerait pour lui-même. Nous en avons la preuve tous les jours en voyant que le simple artisan, quelques gages qu’on lui donne, ne fait pas autant d’ouvrage à la journée qu’à la tâche.

— Ça c’est vrai, répondit l’Indien en souriant ; car il riait rarement ; — et, répétant un dicton du pays, il ajouta : À la journée, à la Journée ! à la tâche, à la tâche ! — Voila la religion des Visages-Pâles.

— Je ne vois pas que la religion ait rien à faire là dedans ; mais je conviens que telle est notre habitude, et il doit en être partout de même, quelle que soit la couleur. Pour qu’un homme fasse tout ce dont il est capable, il faut qu’il travaille pour lui, et il ne peut travailler pour lui que s’il jouit librement des fruits de son travail. C’est ainsi qu’il faut qu’il ait un droit quelconque sur la terre qu’il cultive, pour qu’il lui fasse produire tout ce qu’elle est susceptible de produire. C’est sur cette nécessité qu’est fondé le droit de propriété. On y gagne la civilisation, qui remplace l’ignorance, la pauvreté, la faiblesse. Voilà pourquoi nous vendons et nous achetons la terre, aussi bien que des vêtements, des armes, des grains de collier.

— Je comprends. Ainsi donc le Grand Esprit dit qu’il faut avoir une ferme ?

— Le Grand Esprit a dit que nous aurions des besoins et des désirs que nous ne pourrions satisfaire qu’en ayant des fermes ; et, pour avoir des fermes, il faut des lois qui protègent le droit qu’on a sur cette terre.

— Eh bien ! puisqu’il faut qu’il en soit ainsi, nous verrons un jour. — Le jeune chef sait où il est ?