Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/157

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— Sans parler davantage, nous poursuivîmes notre route, qui nous conduisit bientôt dans un bois assez étendu, faisant partie de la forêt vierge. Ce bois, qui avait plus de mille acres de superficie, s’étendait depuis les montagnes à travers des terres d’assez peu de valeur, et avait été réservé pour les besoins de l’avenir. Il était donc ma propriété, et, quelque étrange que cela puisse paraître, un des chefs d’accusation portée contre moi et mes prédécesseurs reposait sur ce que nous avions refusé de le donner à bail. Ainsi, d’un côté, on nous accusait pour avoir donné nos terres à bail, de l’autre côté, pour ne les avoir pas données.

Nous avions près d’un mille à faire à travers la forêt, avant de rentrer dans la plaine, qui se trouvait à un mille et demi du village sur notre gauche ; cette petite forêt ne s’étendait pas à plus de cent perches, et se terminait au bord d’un petit cours d’eau. Sur notre droite, la forêt avait près d’un mille de largeur, et se confondait au loin avec d’autres portions de bois réservées pour les fermes sur le territoire desquelles elles croissaient. Ainsi que cela a souvent lieu en Amérique dans le cas où des routes traversent une forêt, une seconde pousse se développait sur chaque côté du chemin, qui était bordé dans toute son étendue de masses touffues de pins, de châtaigniers et d’érables. Dans quelques endroits, ces masses s’avançaient sur la route, tandis que dans d’autres l’espace était entièrement libre. Marchant à travers les bois, nous en avions atteint à peu prés le centre, à un endroit éloigné d’un mille et demi de toute habitation. Notre vue était limitée en avant et en arrière, par les jeunes pousses, lorsque nos oreilles furent frappées d’un bruit de sifflet perçant et mystérieux. J’avoue qu’à cette interruption je ne me sentis pas à mon aise, car je me rappelais la conversation de la précédente soirée. Pour mon oncle, à son tressaillement soudain, et au geste qu’il fit en portant la main à l’endroit où devaient être ses pistolets, s’il en eût porté, je jugeai qu’il se croyait déjà entre les mains des Philistins.

Il suffit d’une demi-minute pour nous faire connaître la vérité. J’avais à peine arrêté le cheval pour jeter un coup d’œil autour de nous, qu’une file d’hommes armés et déguisés sortit en ligne des buissons, et se rangea sur la route en face de nous. Ils étaient au nombre de six Indgiens comme ils s’appelaient ; chacun portait un fusil et une poire à poudre. Le déguisement était très-simple. Se composant d’une espèce de blouse en calicot avec des pantalons de