Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/167

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qu’elle voulait sauter de la voiture, comme ne jugeant plus convenable d’y rester.

— Ne vous alarmez pas, Mademoiselle, lui dis-je. Vous n’aurez pas plus mauvaise opinion de moi, je pense, en apprenant que je suis votre compatriote au lieu d’être un étranger, et un gentilhomme au lieu d’un musicien ambulant. Je ferai tout ce que vous m’ordonnerez, et je vous protégerai au péril de ma vie.

— Ceci est tellement extraordinaire ! tellement inattendu !… Tout le pays paraît bouleversé ! Mais, Monsieur, si vous n’êtes pas la personne que vous aviez annoncée, qui êtes-vous, je vous prie ?

— Un homme qui admire votre amour filial et votre courage, qui vous honore pour ces deux qualités. Je suis le frère de votre amie Marthe, je suis Hughes Littlepage.

Sa petite main abandonna alors les guides, et la chère enfant se tourna à demi sur le coussin de la voiture, me regardant avec un muet étonnement. Depuis ma rencontre avec Mary Warren, j’avais mille fois maudit dans mon cœur ma misérable perruque ; car on aime autant paraître bien que mal, même sous un déguisement. J’enlevai donc rapidement ma casquette et non moins rapidement ma perruque, ne laissant plus pour ornement à ma figure que les longues boucles de mes propres cheveux.

Mary fit entendre une légère exclamation en me regardant, et à la pâleur de sa figure succéda une douce rougeur. Un sourire aussi courut sur ses lèvres, et elle parut presque rassurée.

— Suis-je pardonné, mademoiselle Warren ? demandai-je, et voulez-vous me reconnaître pour le frère de votre amie ?

— Est-ce que Marthe, est-ce que madame Littlepage le sait ? reprit enfin la charmante fille.

— Toutes les deux le savent ; j’ai eu le bonheur d’embrasser ma grand’mère et ma sœur. La première vous fit hier sortir à dessein de la chambre, afin que je pusse rester seul avec la dernière.

— Je vois ce que c’est ; au fait, je trouvai cela assez singulier ; mais je pensai qu’il ne saurait y avoir jamais aucune inconvenance dans un acte quelconque de madame Littlepage. Chère Marthe ! comme elle a bien caché son jeu, et comme elle a admirablement gardé, votre secret !

— C’était très-nécessaire. Vous voyez l’état du pays, et vous devez comprendre combien il serait imprudent à moi de me montrer, ouvertement, même sur mes propres domaines. J’ai un contrat