Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/173

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de bandes armées. C’était pour lui une espèce de blasphème qui blessait tous ses sentiments ; il se décida en conséquence à se retirer et à rester en dehors du bâtiment, jusqu’à ce que, sortant des formes religieuses, on commençât la discussion spéciale pour ou contre les droits de propriété.

Il est certain que par cette hardie protestation, M. Warren se fit alors beaucoup d’ennemis et perdit beaucoup de son influence. Le même sentiment qui fait pousser le cri d’aristocratie contre tout homme qui, par ses habitudes et ses manières, se distingue des masses qui l’environnent, se manifeste aussi dans les questions religieuses et accuse également d’aristocratie l’église dont M. Warren était ministre. Ce reproche est articulé surtout parce qu’elle maintient des usages que les autres églises affectent de rejeter et de proscrire. Mais les dissidents ne savent pas être satisfaits de leurs propres décisions, et tandis qu’ils se glorifient d’avoir une église « sans évêques », ils détestent l’église qui en a, simplement parce qu’elle possède quelque chose qu’ils n’ont pas eux-mêmes.

Il est probable que la moitié des auditeurs, qui ne prêtaient qu’une attention distraite à la prière, ne s’occupait que de la conduite scandaleuse et aristocratique de M. Warren sortant de l’assemblée au moment où commençait la prière. Peu d’entre eux, en vérité, pouvaient apprécier les motifs chrétiens et charitables de cet acte ; et il est à croire que pas un ne comprenait les véritables sentiments qui l’avaient dicté.

Quelques minutes se passèrent avant que M. Warren eût entièrement retrouvé son calme habituel. Enfin il m’adressa la parole avec bienveillance et douceur, me faisant quelques compliments sur mon retour, et m’exprimant en même temps les craintes sur les dangers que nous pouvions courir, mon oncle et moi, qui avions été assez imprudents pour nous placer dans la gueule du lion.

— Vous avez ajouta-t-il, rendu votre déguisement si complet, que jusqu’ici vous avez merveilleusement réussi. Que vous ayez pu tromper Mary et moi, cela n’est pas étonnant, puisque nous ne vous avions jamais vus ; mais la manière dont vos plus proches parents ont été mystifiés, est vraiment prodigieuse. Vous avez néanmoins toute raison d’être prudents ; car la haine et la jalousie ont une pénétration qui n’appartient pas même à l’amour.

— Nous croyons être en sûreté, Monsieur, répondis-je, car