Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/200

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Voilà quarante-cinq ans que je tiens le bail, et une des têtes sur lesquelles il repose, celle de ma vieille femme, est encore en existence, comme on dit, quoique ce soit une espèce d’existence qui n’a rien de séduisant. Elle ne pourra pas aller bien loin, et alors cette ferme qui m’a nourri pendant presque toute ma vie, sur laquelle j’ai élevé quatorze enfants, devra sortir de mes mains pour aller dans celles de Hughes Littlepage, qui a déjà tant d’argent, qu’il ne peut pas le dépenser chez lui comme les gens honnêtes ; mais le dissipe à l’étranger en débauches. Oui, à moins que le gouverneur et la législature ne nous fassent sortir de cette difficulté, je vois bien qu’il faudra tout rendre à Hughes Littlepage, faisant ainsi les riches plus riches et les pauvres plus pauvres.

— Et bourquoi cette cruelle chose a lieu ? bourquoi un homme, en Amérique, peut-il pas garder ce qui lui abartient ?

— C’est justement cela. La ferme m’appartient, non d’après la loi mais d’après les droits de nature, d’après l’esprit des institutions, comme on dit. Je ne tiens pas à savoir comment je l’aurai, pourvu que je l’aie. Si le gouvernement peut seulement contraindre les propriétaires à vendre, il peut certainement compter sur mon appui, pourvu qu’on ne fixe pas des prix trop élevés. Je déteste les prix élevés ils ne conviennent pas dans un pays libre.

— C’est frai. Che suppose que fotre bail pourrait serfir de base à un prix très-raisonnable, ayant été fait il y a si longtemps.

— Seulement deux schellings l’acre, répondit le vieux fermier d’un air malin, comme s’il se glorifiait de l’excellent marché qu’il avait fait, ou vingt-cinq dollars par an pour cent acres : Ce n’est pas grand’chose, je suis prêt à l’avouer ; mais les terres s’étant élevées aujourd’hui jusqu’à quarante dollars par acre, je ne puis espérer un autre bail aux mêmes conditions, pas plus que je n’espère aller au congrès. Je pourrais louer ma ferme demain matin pour cent cinquante dollars du meilleur argent qu’un homme puisse payer.

— Et compien croyez-fous que M. Litttepage demanderait pour un noufeau bail ?

— Quelques-uns pensent que ce sera soixante-deux dollars et demi quoique d’autres disent que pour moi, il le céderait à cinquante dollars, sur trois têtes.

— Mais compien foudriez-fous payer pour la bropriété de la ferme ?