Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/280

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beau et plus en harmonie avec le caractère tranquille de cette scène champêtre. Je respirai avec délices l’air matinal qui remplissait ma chambre des parfums de mille fleurs. Je crois que personne ne peut être insensible à la différence qu’il y a dans la campagne entre le jour du repos et le jour du labeur. C’est surtout dû, sans doute, à la simple abstention du travail ; mais les traditions historiques de cette fête, ses pratiques ordinaires, et le calme qui règne partout, en font un jour si solennel, qu’un dimanche au beau mois de juin est pour moi comme un délicieux séjour de repos, une halte poétique dans le tumulte et le mouvement du monde. Tel était le jour qui succédait à la nuit agitée que nous venions de passer, et ce jour venait à propos pour calmer les esprits, dissiper les craintes et laisser carrière à de paisibles réflexions.

Devant moi, il est vrai, s’étendaient les fumantes ruines de la grange, noir monument d’une méchante action ; mais l’esprit qui avait présidé au méfait me semblait avoir disparu, et, sous tous les autres rapports, les fermes et les champs de Ravensnest ne s’étaient jamais présentés aux yeux sous des couleurs mieux assorties aux charmes d’une nature bienveillante. En contemplant cet admirable spectacle, je sentis renaître en moi tous les souvenirs et les intérêts qui m’attachaient à cet endroit, et je ne rougis pas d’avouer que je ressentis un profond sentiment de reconnaissance envers Dieu, dont la Providence m’avait fait naître héritier de toutes ces richesses, au lieu de m’avoir relégué parmi les serfs et les hommes dépendants d’autres régions.

Lorsque la famille se rassembla dans la salle à manger, il régnait parmi nous une remarquable tranquillité. Quant à ma grand’mère, je connaissais son cœur et son expérience de bonne heure acquise, et je ne fus pas surpris de la trouver calme et résignée mais ces qualités semblaient s’être aussi communiquées à ses quatre jeunes compagnes. Mary Warren toutefois me surprit par son air et sa tenue : modeste, douce et timide, elle semblait, pour ainsi parler, la plus féminine de toutes. Je pouvais à peine me figurer que cette jeune fille naïve et réservée fût la même personne active, résolue et courageuse, qui nous avait été d’un si grand secours dans la nuit, et dont le sang-froid et la discrétion avaient été le salut de notre maison et peut-être de nos personnes. Malgré cet air de sécurité, néanmoins, le déjeuner fut silen-