Page:Cooper - Œuvres complètes, éd Gosselin, tome 27, 1847.djvu/287

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quin en bois, lourd et disgracieux, qui était une parfaite caricature du célèbre baldachino de Saint-Pierre de Rome. C’est là pourtant ce qui nous faisait accuser d’aristocratie ; et ce qui ne pouvait se tolérer. Ainsi que les teneurs à bail, le baldaquin était contraire à l’esprit des institutions. Il est vrai qu’il ne faisait aucun mal réel ; il est vrai qu’il était comme un vieux souvenir d’anciennes coutumes ; il est vrai que c’était notre propriété, et que personne ne pouvait y toucher sans violer les droits de la propriété ; il est vrai que tous ceux qui le voyaient sentaient secrètement qu’il n’y avait, après tout, rien de si inconvenant à ce que ce banc appartînt aux Littlepage ; il est vrai que ceux qui s’y plaçaient ne s’étaient jamais imaginé qu’ils fussent pour cela meilleurs ou moins bons qu’aucun de leurs compatriotes. Cependant, il était là ce monument inoffensif, et rien ne blessait autant les esprits à Ravensnest, si ce n’est peut-être le caractère féodal des baux.

Lorsque je levai les yeux, après les premiers actes de dévotion qui nous sont habituels en entrant dans l’église, et que je jetai un coup d’œil autour de moi, je vis que l’édifice était plein d’une multitude pressée. Un second regard me fit voir que tous les yeux étaient fixés de mon côté. D’abord comme le dais avait été le sujet de tant de discours, je m’imaginai que c’était cela qui attirait l’attention ; mais je pus bientôt m’apercevoir que c’était vers mon indigne personne qu’elle se dirigeait. Je ne m’arrêterai pas à raconter tous les propos qui avaient circulé au loin sur mon apparition soudaine dans le pays, sur mon déguisement ou sur trente autres incidents des événements de la veille ; mais je ne puis passer sous silence un des bruits qui furent le plus accrédités, parce qu’il démontre le degré de malice et de crédulité de nos adversaires. Il se disait partout que la seconde nuit de mon arrivée, j’avais fait mettre le feu à une de mes granges, pour jeter tout l’odieux de cet acte sur « les vertueux travailleurs », qui n’avaient fait que mettre sur pied un corps armé pour me chasser de ma propriété. Oui, j’étais là sur mon banc, sans soupçonner l’honneur qu’on me faisait, et regardé par la moitié de la congrégation comme un jeune homme intègre et respectable capable d’imaginer et d’exécuter un acte aussi abominable. Or, pour ceux qui n’ont pas eu occasion d’en faire l’essai, il est impossible de se former une idée de la puissance effrayante de ces mots en Amé-